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Entretien avec David Joseph-Goteiner

David Joseph-Goteiner est du genre hyperactif. Originaire de la Bay Area – région du nord de la Californie – et étudiant à San Diego, il est à la fois rédacteur en chef de l’influent blog musical The Metropolitan Jolt, DJ sur la radio KSDT et surtout artiste et designer. Sa spécialité : les panneaux de signalisation. En cinq ans, plusieurs expositions en Californie, différents awards (East Bay Entrepreneur Award, Baulines Craft Guild) et une solide couverture presse, il a recyclé, repensé, déstructuré des centaines de panneaux et en a fait son matériau premier. Qu’il s’agisse de ses pièces de design ou de ses œuvres purement décoratives (Wall Pieces), celui qui se fait appeler DJ semble enfin être arrivé à une vraie maturité dans son œuvre.

Amis dans la vie, nous nous retrouvons dans un restaurant au bord du Pacifique pour parler de son Å“uvre.

[caption id="attachment_326" align="alignleft" width="540"] Crédit photo: http://jogodesigns.com[/caption]

Quand et comment as-tu commencé à dessiner et créer tes œuvres ?

Tout a commencé au lycée où l’on devait suivre un Workshop. J’ai choisi le Metal Workshop et rapidement été pris sous l’aile de mon professeur de l’époque. La dimension créative de ce cours m’a tout de suite fasciné et je passais de plus en plus de temps dans l’atelier, venant pendant des heures après les cours. Travailler de mes propres mains m’apporte une vraie sérénité, un calme incroyable. Une fois ce module terminé, j’ai continué à venir très souvent dans l’atelier de façon indépendante et j’ai commencé à créer mes propres œuvres.

Ta première œuvre ?

J’avais trouvé dans un flea market (marché aux puces) un panneau sur lequel était représentée une flèche noire sur fond jaune. Et des amis avaient récupéré dans des public dumpsters deux panneaux bleus indiquant des noms de rues. A l’époque je ne m’étais pas fixé sur cette idée de panneaux de signalisation mais je me suis  seulement dit que ça pourrait faire une œuvre intéressante. J’ai réalisé une table très simple, en seulement quelques jours, ce qui est extrêmement court pour moi (les meubles me prennent plusieurs mois normalement). C’était une première étape et j’avais le sentiment d’avoir enfin trouvé la façon dont je voulais travailler. Pour la première fois, je faisais quelque chose qui n’était pas seulement esthétique mais aussi ergonomique et fonctionnel.

Comment t’est venue l’idée de travailler avec des panneaux de signalisation ?

Un peu par hasard en fait. Comme je te l’ai dit, j’ai trouvé ce premier signe dans un marché aux puces… Puis je me suis rapidement rendu compte que ces signes étaient très facilement accessibles, soit abandonnés dans la ville, soit réunis dans des public dumpsters, là où l’État rassemble les panneaux de signalisation devenus obsolètes et qui sont en libre accès. Par ailleurs, j’ai tout de suite été assez fasciné par les couleurs très vives de ces matériaux et par leur matière très particulière et agréable à modeler.

À partir de quel moment as-tu commencé à exposer tes œuvres ?

Un an plus tard, j’ai rencontré une journaliste à qui j’ai parlé de mon travail. Elle a tout de suite été séduite par les œuvres que je lui ai montrées et a écrit le premier article paru sur moi dans le San Francisco Chronicle, un journal californien important. Le lendemain, j’ai reçu une cinquantaine d’offres d’achat pour mes œuvres et j’ai compris que je pouvais les vendre, je commençais à avoir un public. Tout est allé très vite, j’ai été étonné par la bonne réaction des gens.

Tes œuvres sont-elles des modèles uniques ?

C’est une question intéressante. Mes œuvres sont uniques car les panneaux que j’utilise et que je trouve au hasard de mes recherches et la façon dont je les assemble sont uniques. Mais mon but est d’avoir un de mes modèles produit en masse. Le design peut être produit en masse, pas la matière.

Quelles sont tes influences artistiques ? Une de tes œuvres les plus connues semble très influencée par les chaises de Le Corbusier, non ?

Oui, en effet j’aime beaucoup la simplicité du design de Le Corbusier et son utilisation de l’espace. J’aime aussi beaucoup le couple Ray et Charles Eames (mon père avait une chaise Eames qui me fascinait) qui ont révolutionné le mobilier et ont su allier confort et design. Mais je suis principalement influencé par ce que je vois autour de moi tous les jours, les objets, meubles et œuvres d’art en général qui font partie de notre vie quotidienne et dont je propose une sorte de réinterprétation.

Justement, ces meubles sont-ils confortables malgré l’aspect assez dur que ces panneaux donnent ?

Oui, ils sont très confortables (rires) ! Je travaille beaucoup sur l’ergonomie et ils sont réalisés sur mesure pour le corps humain. Il y a beaucoup d’aspects à prendre en compte et je pense que mes œuvres sont à la fois esthétiques et adaptées aux personnes.

Il y a deux côtés dans ton travail, la partie design (je pense aux tables et chaises que tu crées) et les œuvres purement artistiques (les Wall Pieces). Te considères-tu plus comme un designer ou un artiste contemporain ?

Ces Wall Pieces sont un peu le fruit du hasard : je me suis réservé un mois pendant les dernières vacances pour travailler sur de nouvelles œuvres. Or un meuble me prend en règle générale un mois ou plus à réaliser et je voulais créer un véritable body of work. Pour réaliser ce projet en un mois, j’ai dû sacrifier mon envie de créer des œuvres fonctionnelles. J’avais vraiment envie de me lancer un défi et de sortir de mes habitudes créatives. C’est pendant cette période que je me suis surpris à vraiment apprécier ce travail sur des œuvres purement esthétiques.

[caption id="" align="aligncenter" width="321"] Crédit photo: http://jogodesigns.com[/caption]

Tu sembles être arrivé à un carrefour dans ta carrière d’artiste, dans quelle direction t’orientes-tu ?

Je veux m’orienter vers des œuvres qui combinent toujours fonctionnalité et esthétique car, et c’est vraiment la raison première de mon travail, je pense qu’elles peuvent et doivent coexister. Mon projet maintenant est de produire un de mes designs en masse tout en gardant cet esprit de craftsmanship. J’aimerais beaucoup être exposé en France aussi, c’est un de mes grands rêves.

Recueilli et traduit de l’anglais par Paul Grunelius

(Pour plus d’informations, vous pouvez contacter David Joseph-Goteiner sur son site amateursculptures.tumblr.com)