PROFONDEURCHAMPS

The Modern Age

« I try but you see it’s hard to explain ». Difficile d’expliquer le rôle et l’influence qu’ont pu avoir les Strokes sur ma culture musicale. Si je devais la résumer, je dirais que deux artistes l’ont façonnée. M.I.A. m’a permis de m’intéresser aux musiques électroniques et urbaines. Les Strokes m’ont lancé dans le rock.

Pour ceux qui ne connaitraient pas encore, il a fallu un simple album, Is This It, pour que les New-Yorkais rentrent dans la légende. A une époque où le rock était plus décrié et moqué qu’adulé, cinq gamins d’une vingtaine d’années ont réussi à lui donner une nouvelle jeunesse.
Mais rendons à César ce qui lui appartient. Si les Strokes font aujourd’hui partie de ma vie, c’est grâce à un spot d’une minute qui a tourné en boucle en 2004. J’avais treize ans et ce que je connaissais de la musique devait se limiter, plus ou moins, à la propagande que me balançait matin, midi et soir, NRJ. EDF, ou plutôt la boîte qui a produit leur publicité a alors eu la brillante idée de placer « The End Has No End ». 60 secondes, c’est ce qu’il m’a fallu pour me rendre compte que quelque chose venait de se passer. Dans cette époque pré-Internet et mp3, il m’avait fallu plusieurs jours, plusieurs semaines pour trouver ce morceau, l’entendre passer à la radio et l’enregistrer sur cassette.
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Lorsque Internet a débarqué chez moi, tout est tout de suite devenu beaucoup plus simple. C’était la période de MySpace et des P2P. Les Arctic Monkeys commençaient à exploser et suivaient la voie des Libertines. Sans les Strokes, je pense que je serais passé à côté d’eux, à côté des White Stripes, des Kings of Leon.
J’ai dévoré Is This It et écouté sans cesse Room on Fire. Is This It est le premier album de la bande à Julian Casablancas, mais c’est sans doute le plus accompli. « Is This It », le titre éponyme qui ouvre l’opus est l’une de plus belles balades jamais composées. Derrière les tubes s’enchaînent jusqu’à « Someday ». Au début, ce morceau était juste une magnifique perle du début des années 2000. Aujourd’hui, c’est bien plus que ça. Sans doute parce que je peux  comprendre à présent ce que raconte Casablancas et sa philosophie. « When we was young, oh man, did we have fun? Always, always ». YOLO.
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Il y a deux choses que je leur ai cependant un peu reprochées: le songwriting de leur leader, Julian Casablancas et First Impressions of Earth. L’écriture de Casablancas, sans être catastrophique, n’a jamais été le point fort des New-Yorkais. Lui-même le reconnaissait dans les colonnes de Rolling Stone en 2003: « Quand j’écoute “A Change Is Gonna Come” de Sam Cooke, je suis extrêmement frustré parce que, quoi que je fasse, et peu importe à quel point j’essaie, je ne peux pas être aussi bon ». C’est parfois facile, relate principalement les aventures d’adulescents mais reste néanmoins bien plus écoutable que 90% des morceaux produits ces dernières années, sans être niais. C’est relativement bien fait, sans relever du génie.
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Passons ensuite à First Impressions of Earth. Aujourd’hui encore, je suis persuadé que cet album n’est pas un album des Strokes ou en tout cas pas des Strokes tels que je les concevais jusque là. D’une certaine manière la même chose m’est arrivée quand les Arctic Monkeys d’Alex Turner ont décidé de collaborer avec Josh Homme et de sortir Humbug. L’album est génial, je n’oserais pas dire le contraire. Mais, on est cependant loin de Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not et de Favourite Worst Nightmare. Pour en revenir aux Américains, après la claque Is This It et le tubesque Room on Fire, je me souviens avoir eu beaucoup plus de mal avec leur FIoE. Seul You Only Live Once était digne alors d’être sauvé et j’avais remisé le reste de l’album au fond de ma bibliothèque pendant que j’enchaînais les écoutes des deux premiers. Aujourd’hui, j’essaie de me persuader qu’il devrait être réhabilité. Ils ont voulu expérimenter, et ont plutôt réussi si l’on considère des morceaux comme Ize of the World, Heart in a Cage ou Juicebox.
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Et puis, l’année dernière, il y a eu Angles. Pour la première fois, j’ai vraiment été excité à la perspective de la sortie d’un album des Strokes. Les albums solo m’avaient souvent emballé (Yours to Keep et ¿Cómo te Llama? d’Albert Hammond Jr., Little Joy, projet américano-brésilien monté par le batteur Fabrizio Moretti et Phrazes for the Young de Julian Casablancas), parfois laissé de marbre (The Time of the Assassins de Nickel Eye, le side-project du bassiste, Nikolai Fraiture).
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Mais, Angles était cet album dont j’avais tant rêvé, et « Under Cover of Darkness » m’a ramené au stade de groupie. Angles n’est pas un album des Strokes dans le sens où je l’entends. Il est un peu à l’image de FioE, un album d’expérimentations où les rythmes reggae de « Machu Picchu » viennent rencontrer les guitares de « Taken for a Fool ». Angles, malgré sa construction chaotique, est l’album avec lequel j’aurais aimé découvrir la musique et ses différents aspects.
Aujourd’hui, c’est dans le garage des Dum Dum Girls et des Vivian Girls ou le lo-fi de Cloud Nothings, Best Coast et Wavves que je trouve mon bonheur. Quand j’y pense, je dois toute une partie de ma culture musicale à un groupe de cinq Américains qui ont dépoussiéré le rock au début des années 2000 et que j’ai découvert grâce à un spot de pub d’une minute.
C’est sûrement ça, l’âge moderne.
 
Grégor Brandy

Un Commentaire

  • Posté le 18 April 2012 à 11:18 | Permalien

    Très bon article, cependant je ne suis pas d’accord sur un point: Julian Casablancas continue d’écrire de très beaux textes, même dans First Impressions of Earth.
    “Your dreams are sweet and obsessed and you’re overworked. You’re overtaken by visions of being overlooked” (Ize of the World).