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Histoire du mot “ban”: par ici la sortie !

Une histoire de mots (épisode III)

A l’heure où tout le monde est de retour, certains sont priés de prendre leurs cliques et leurs claques*. C’est le cas des Roms, dont la presse a beaucoup parlé. En utilisant souvent un petit mot qui ne connaît guère de fortune hors de ce contexte d’exclusion, je veux parler de ban. Un petit mot libre et père d’une longue descendance parfaitement intégrée, bien au-delà de la locution figée où on le croit cantonné…

Au nom de la loi

Remontons au XIIème siècle, et imaginez : Vous êtes le –modeste- vassal d’un suzerain juste et respecté. Mais voilà que le pouvoir le grise : il vient de décréter que dans sa juridiction, il imposerait désormais sa loi et que vous devrez vous y pliez. Chacune de ses décisions sera annoncée publiquement et officiellement. Pour votre malheur, le ban est né, venu tout droit du germanique bannan « commander sous menace de punition».

Dès lors, votre suzerain se prend au jeu. Apparemment généreux, il met à disposition un four et un moulins banals, communs à tous (d’où le sens actuel depuis 1798). Notez que vous êtes obligé de les utiliser, non sans payer une taxe, par ban de la ville (au tarif officiel en vigueur). Votre seigneur a besoin de renfort pour guerroyer ? Le grand chambellan est envoyé illico pour crier le ban, à savoir convoquer la noblesse et la forcer à s’engager à ses côtés. Vous ne faites pas partie de la crème des hobereaux ainsi recrutés (et devenus, par glissement, le ban) ? Vous ne vous en tirerez pas comme ça : l’arrière-ban ne restera pas sur la touche. Et mieux vaut filer doux, vous devez défendre la bannière de votre seigneur !

Dehors !

Comment, vous vous rebellez ? Vous voici mis au ban de la société, exilé par jugement officiel. Vous êtes abandonné (livré à vous-même loin de la communauté), voire traité comme un forban (mis en dehors de la juridiction), bien au-delà de la banlieue (territoire d’environ une lieue autour de la ville, où s’exerçait encore la juridiction, d’où le sens moderne depuis 1690).
Vous vous en doutez, votre promise ne veut plus de vous, inutile de publier les bans (proclamation officielle d’un futur mariage). Oserez-vous, à vos risques et périls, entrer en rupture de ban (enfreindre le jugement vous condamnant et revenir en douce) ?

Que de parentés, finalement, entre le bannissement du Moyen-Age et l’exclusion actuelle des Roms ! Comme nous avons su préserver le sens originel de la locution mise au ban, qui décrit précisément le traitement dont ces derniers ont fait l’objet, expulsés manu militari –y compris de la banlieue- par décision officielle, puis livrés à eux-mêmes. Des pratiques qu’à leur tour, on rêve de bannir.

Catherine Rosane

*d’après le bruit des sabots, clic clac !