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La semaine du cinéma de Sciences Po – compétition de courts-métrages : Jour 4

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Ces courts-métrages seront diffusés dans l’amphithéâtre Jean Moulin, à Sciences Po.

LA CHASSE, Tomas Mestan

Jeudi 21 février 14h45 – suivi de “C’est arrivé près de chez vous“, Rémy Belvaux

Un assassin vit dans une cave, près d’une fête foraine. Un nain, probablement mafieux, le regard noir et le cigare en bouche, lui jette une photo : c’est la cible, l’illusionniste dont il faudra se débarrasser.

Il y a du Tod Browning, dans La Chasse, celui de Freaks. Il y a aussi du Lynch dans cette absurdité presque trop sérieuse, dans la lumière et dans les décors qui s’enchaînent sans raison apparente. Il y a un nain qui disparait puis qui réapparait face à la caméra. La chasse que mène le tueur à gages du court-métrage de Šimon Dvořáček est absolument grotesque : à peine débutée que voilà le tueur piégé, bloqué comme le lapin dans son terrier. L’image, elle, est rugueuse, le malaise n’est jamais bien loin. Les gestes se font lourds et malhabiles, seule la cible semble se mouvoir avec aisance et décontraction, tandis que derrière lui, le gros assassin peine à se déplacer. L’issue est quasiment certaine, et pourtant difficile de ne pas rester fasciné par cette chasse à l’homme en noir et blanc.

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On pouvait croire que Šimon Dvořáček finirait par s’embourber dans ses références. Mais sa force réside justement dans le fait de réussir à créer, en quelques minutes, un monde nouveau et différent. Les personnages de La Chasse semblent évoluer dans une logique qui n’appartient qu’à eux, qui n’est inhérente qu’à cet univers.

Ce monde-là, même les quelques plans larges qui parsèment le film n’arrivent pas à nous en sortir : inévitablement, sans qu’on n’y puisse rien faire, le réalisateur nous maintient enfermé, gêné, comme ce tueur trop large et trop fort pour continuer sa course. Le réalisateur, quant à lui, est ce magicien, qui nous regarde en riant, fier de son petit tour de passe-passe.

Eliott Khayat

                                                                      

VIE ET MORT DE L’ILLUSTRE GRIGORI RASPOUTINE, Céline Devaux

Jeudi 21 février 14h45, suivi de “C’est arrivé près de chez vous“, Rémy Belvaux

« Il avait erré, prié et forniqué, lorsqu’un jour le seigneur l’avait interpellé. »

Vie et mort de l’Illustre Grigori Efimovitch Raspoutine est un court-métrage qui aime mélanger les genres : à la fois documentaire, poème et peinture animée, il nous embarque dans un récit onirique sur la vie du célèbre Raspoutine. L’histoire nous est contée par un vieux chien noir au regard perçant, dressant le portrait d’un martyr, grand et vertueux, mais à la vie si « faste » que la Russie ne le lui pardonna pas. De son enfance en Sibérie à sa trahison par les aristocrates, cette scénette vous apprendra tout sur le célèbre moujik.

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Les dessins, semblables à des volutes de fumée, se mélangent, chaque forme se déformant pour donner lieu à la suivante. Ici, l’usage du noir et blanc se mêle à merveille à la narration, à l’intonation sobre mais au vocable malicieux.

Conte pour adulte des aventures de l’illustre Raspoutine, porté par une mélodie entrainante, ce court-métrage est une comme une petite danse folklorique. Les scènes psychédéliques des frasques amoureuses de Raspoutine s’entremêlent avec l’illustration de la froide bureaucratie russe, décrite à grand renfort de formes géométriques gigantesques.

Devant ce court-métrage, impossible donc de ne pas être pris d’empathie pour Raspoutine, loin de nos préjugés forgés à trop regarder Anastasia. Ce grand barbu, un peu effrayant, mais ondulant en rythme dans sa longue robe noire, finira bien par vous attendrir.

Emmanuelle Emmel

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