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“Bilbo le Hobbit”, un voyage trop attendu

Chers joueurs de Warhammer, amoureuses et amoureux d’Orlando Bloom, dresseurs d’Oliphants et autres aficionados de la plus grande trilogie de notre temps, je m’adresse à vous. Car oui, même les incultes l’auront compris, la situation est grave. Je ne cesse de ressasser la pique qu’un confrère de la secte de l’anneau me lança à la sortie de notre première séance du Hobbit : un voyage inattendu, « Comment ? Toi ? ô maître vénéré (l’auteur vise ici à favoriser la compréhension générale du lecteur), tu n’as pas aimé ce nouveau chef d’œuvre de maître Jackson ? » Afin de couper court à une attente qui ne serait que trop interminable, non, je n’ai pas aimé cette adaptation en demi-teinte.

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Naissance et essence d’un mythe

Au début des années trente, J.R.R, professeur de langue à l’université d’Oxford écrit dans le coin d’une copie d’examen ces quelques mots mythiques : « Dans un trou du sol vivait un hobbit ». À dater de cet instant, un véritable univers commença à germer dans son esprit. Le premier essai qu’il appela « une réception inattendue », et qui allait devenir le premier chapitre du livre publié en 1937, sous le nom de Le Hobbit nouvel aller-retour fut une première invitation dans le monde «  tolkenien ».

Pour comprendre le Hobbit il faut rappeler que celui-ci n’était pas destiné à la publication. Tolkien l’écrivait comme un feuilleton qu’il se proposait de lire à ses trois fils pendant les soirées d’hiver. Ce faisant, il projeta Bilbo et ses compagnons dans un périple palpitant sur une terre de merveilles peuplées de créatures plus étranges les unes que les autres, aux lieux magiques et chemins périlleux. On rit à la bonhommie des treize nains et on imagine Gandalf (appelé Baldorthin à l’origine il échangea son nom avec le chef des nains qui fut dès lors dénommé Thorin), cet étrange homme portant une longue barbe blanche et un grand chapeau bleu pointu, que Tolkien prend le temps de nous présenter. Nous traversons un monde apparemment aussi réel que le notre, avec la magie en plus, un monde dont la géographie est source d’émotions particulières: les montagnes sont élevées, balayées par des bourrasques ; les passes sont parcourues d’éclairs brisants l’obscurité et habitées par d’effrayants géants de pierre. Dans les passages labyrinthiques sous les montagnes, nous tombons nez à nez avec un lac à la froideur de glace, où sur une île rocheuse et visqueuse, habite Gollum, créature sifflante aux yeux pâles pleins de roublardise.

Mais cet amoureux des énigmes et du poisson frais n’est qu’une des nombreuses créatures étranges, fabuleuses, terrifiantes qui entravèrent (ou occasionnellement favorisèrent) la progression de la petite compagnie au long de leur voyage au delà  de l’Orée des Terres Sauvages. Comme dans tout conte, notre héros, Bilbo emmagasine souvenirs et expériences au fil de ces rencontres avec le Grand Gobelin, Beorn ou les elfes de la forêt de Mirkwood et prend insensiblement les rênes de cette aventure palpitante.

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L’adaptation du chef d’oeuvre

Le Seigneur des Anneaux est devenu, tout comme le sabre laser vingt-cinq ans auparavant, une véritable référence générationnelle. Cette fresque en trois épisodes est monumentale, épique et à proprement parler fantastique. Elle retranscrit avec brio, et à grand recours d’effets spéciaux (déjà), une histoire pleine de mythologie, de batailles grandioses et de décors somptueux. Après de longues années d’attentes ce n’est pas Guillermo Del Toro mais bien le plus mythique  des petits gros barbus, notre père Noël à tous, Sieur Jackson, qui fut choisi pour adapter le prologue de cette trilogie.

Le récit Le Seigneur des Anneaux, qui demanda douze ans de travail à J.R.R. Tolkien est tout à la fois une suite de Bilbo et le passage du récit à une autre dimension comme le montre le premier chapitre du Seigneur des Anneaux intitulé « Une réception longtemps attendue ». La première critique, évidente, que l’on peut faire à l’adaptation de Bilbo est alors celle-ci : nous ne retrouvons absolument pas dans les adaptations cinématographiques de ces deux chef d’œuvres, un prologue et sa suite, ou autrement dit deux récits sur deux plans différents.

Au contraire Jackson réutilise une trame identique avec les mêmes artifices que pour le Seigneur des Anneaux, ce qui nous donne la triste sensation de vivre une saga bis d’un niveau nettement en deçà de son glorieux prédécesseur.  On retrouve néanmoins la Comté et tous ses hobbits avec un plaisir certain. Cet univers familier est bien amené durant tout le film par une narration fluide, maîtrisée mais qui ne laisse que trop peu de temps morts. Et c’est là, à mon sens, le deuxième attentat commis par Pete.

Nous nous trouvons ici non pas dans un roman de Fantasy mais dans un conte. Tolkien fait émerger tout au long de cette aventure nombre de caractères plus drôles, effrayant ou attachant les uns que les autres. Dans cette « adaptation » on ne retrouve pas de liant entre les personnages, pas de caractère qui émerge, auquel on puisse s’identifier. Vous me direz « et Gollum alors ? » et je vous répondrais qu’effectivement cette scène de 15 minutes, nous donne la chair de poule, Gollum par ses côtés ambigu, fourbe et sournois fascine, intrigue. Il n’est alors que plus facile de constater à quel point ce film est dénué de personnalité. On nous refait le coup de la Communauté avec une quête, qui cette fois ne prend pas, en pensant que des nains en train de jouer au frisbee dans la cuisine de Bilbo, va suffire à nous les introduire. Pas une once de connivence entre deux personnages ne prend forme dans cette équipe trop compacte si ce n’est entre Thorin et Bilbo  dont l’intensité de la relation nous rappelle feu Ross et Rachel.

Le challenge de toute adaptation est de ne pas trahir les images et mondes propres à la lecture du roman d’origine. Malheureusement quand Radagast s’amuse à faire un Super G avec ses lapins et quelques méchants toutous qui le poursuivent ou quand les nains et Gandalf reçoivent une pluie de gobelins qu’ils évitent en dansant la macarena : on y croit pas. Pire on hésite entre la sensation d’être dans une adaptation Moyenâgeuse de Star-Wars, dans «  le Monde de Narnia » bis ou plus simplement dans un jeu vidéo sur grand écran.

Dans ce conte pour enfant avec effets pyrotechniques hollywoodiens, le spectacle n’est pas absent. Seulement voilà, Jackson n’est pas George Lucas et son esthétique, ses vues en hélicoptère tournoyantes mais dénuées du moindre souffle lyrique, son addition de scènes sans réelle saveur et la qualité numérique globale du film, particulièrement en 3D, ne passent pas. Rien ne s’incarne à l’intérieur de ces images donnant à certains décors un côté kitsch voire complètement irréaliste.

Vous aurez enfin compris que contrairement au livre, ce Hobbit malgré quelques blagues carambar et l’interprétation correcte de Martin Freeman, a perdu sa joyeuseté, son humour. Ceci est dû à Jackson qui a préféré rendre le film plus noir, mais avec un méchant inventé (Azog est simplement évoqué dans le texte original et c’est son fils Bolg qui mène l’armée gobelin lors de la bataille des cinq armées), des scènes rajoutées comme Galadriel se baladant en pyjama à Fondcombe qui n’apportent aucun piment au film ou un Gandalf qui nous refait le coup du lever de soleil qui tue. Il n’a pas convaincu. Difficile alors de croire que ce voyage attendu d’un Hobbit, ses treize nains et leur magicien doté d’une grande baguette ait été charpenté par cinq scénaristes. On attend la suite avec impatience.

Guillaume Soto-Mayor

2 Commentaires

  • Posté le 16 April 2013 à 20:31 | Permalien

    Je vous trouve bien sévère! Vous avez peut-être trop attendu cette adaptation, pour n’être que déçu…
    Tout d’abord, concernant les scènes ajoutés, Jackson a justement voulu montrer le lien entre les deux trilogies, entre le prologue et sa suite, alors que d’un côté vous lui reprochez de nous pondre un SDA bis et de l’autre de rajouter des scènes au Hobbit. Un spectateur qui n’a pas lu les livres ne comprendrait justement pas les liens entre les deux récits, ou du moins les subtilités qu’il y a, et les scènes sont là pour les lui rappeler. Jackson en faisant la première trilogie a aussi du se passer d’un certains nombres de détails, et il trouve là l’occasion d’y revenir.
    Ensuite, vous trouvez qu’on n’a pas le temps de s’attacher aux personnages, je pense moi le contraire. Balin a notamment un rôle important de même que Bofur. Une personne qui prendrait la peine de différencier tous ces joyeux personnages, le ferait aisément. Sans compter le fait que nous ne sommes qu’au premier film, il en reste 2 pour nous les faire apprécier! Donc oui, le groupe est compact, les personnages nombreux, mais qu’auriez vous préféré? Un film de 8h? Ou peut-être une suppression de certains nains?
    Enfin, moi, je l’ai trouvé bien joyeux ce film! Les décors et les personnages sont colorés, les blagues (carambar) ne manquent pas, la bande-son est plutôt égayante… Nous sommes bien loin du SDA et de son côté dramatique. Par exemple, la poursuite entre Radagast et les ouargues, nous fait rire, là où dans le SDA, l’escarmouche entre rohirrims et ouargues nous faisait pleurer.
    L’un des seuls moments un peu sombre, est la conversation avec Gollum, et pourtant on ne manque pas de rire.
    Tout ce pavé pour vous dire que vous l’avez peut-être trouvé décevant, beaucoup nous l’avons trouvé merveilleux, et cela m’attriste de voir que certains fans prennent tant d’énergie à le critiquer sur des points un peu douteux. Attendons de voir la suite pour cracher sur Jackson, en attendant il n’a pas, à mon avis, commit de grosse bourde.

    • Posté le 20 April 2013 à 16:48 | Permalien

      Cher lecteur, confrère et estimé commentateur,

      Veuillez me permettre de réagir sur quelques points de votre critique très critique de ma critique.
      Je commencerai tout d’abord par souligner une contre-vérité, à savoir que je n’ai été que déçu par ce film. J’ai en effet souligné certains aspects du film comme la narration, où la scène de Gollum que j’ai apprécié (la musique aurait pu en être un autre).

      Je préciserai ensuite ma critique de votre critique très critique en en faisant une autre, à savoir que vous me parlez d’un prologue et de sa suite, en inversant il me semble son ordre logique à savoir le fait que Bilbo précède le Seigneur des Anneaux (ou SDA c’est selon)et non l’inverse. En cherchant à introduire Bilbo par le SDA, Jackson aurait du se contenter de la transition ultra papounette avec Frodo et Bilbo au début du film.
      Je continuerai en soulignant qu’amateur des livres ou non, il me semble important de faire comprendre au spectateur que les deux récits se situent sur deux genres littéraires, sur deux trames voire sur deux univers différents. J’estime ainsi qu’en rajoutant des scènes, parfois drôles mais souvent peu pertinentes (Galadriel à Fondcombe) Pete a dénaturé l’esprit du conte enfantin qu’est Bilbo et commis une vraie Bourde. La présentation bâclée des différents caractères de la troupe, à part Bofur et Thorin vous souveniez vous d’un autre nain ?, mais aussi celle des seconds rôles, ne fait que renforcer ce constat. Voici un exemple concret : contrairement au livre où la rencontre avec le Seigneur des Aigles et ses frères est une véritable étape du voyage de nos compagnons, ils ne servent dans la version de Pete qu’à sauver les héros d’une situation désespérée. Cela ne vous rappelle t-il pas quelque chose ? Enfin l’atmosphère générale de ce premier épisode, trop noire et « catastrophisante » m’a particulièrement dérangée. Vous l’aurez compris, fan de Tolkien, j’aurai aimé retrouver cette succession d’aventures bon-enfants plutôt qu’une quête « impossible » avec un terrible méchant (inventé) en toile de fond. Cela ne vous rappelle t’il pas quelque chose (bis) ?

      Sans m’étaler sur une contre critique de critique qui ne durerait que trop longtemps, sachez cher Monsieur que je suis ravi de lire que le film, comme d’autres, vous a convaincu, aussi loin de moi l’envie ou l’idée de vous retirer ce plaisir, n’oubliez donc pas que « l’énergie » que je consacre à critiquer ce film n’en est pas une mais est simplement l’expression d’un avis.