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Félix de Malleray : “Des photos aussi noires que le charbon des mines”

Regards photographiques (épisode VI)

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Février 2013, Félix de Malleray prend la direction du Nord-Pas-de-Calais. Pendant un mois, il y photographie les anciennes mines et fabriques de charbon de la région, traces du passé industriel français. Le résultat de cette initiative est une très belle série de vingt clichés, Les Gueules Noires. 

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« Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle j’ai voulu faire ces photos. C’était comme un besoin primaire, venu du fond de mes tripes » confie Félix. Il y a quelque chose de l’ordre de l’instinct dans sa démarche. Et peut-être aussi l’envie de faire connaitre ces vestiges des temps modernes et leur histoire mal connue. « Ce fut très compliqué de me documenter car en réalité personne ne s’intéresse à cette partie de l’histoire du Nord-Pas-de-Calais. Lorsque je m’arrêtais en chemin pour savoir où se trouvait une mine, les gens ne savaient pas me répondre». Comme s’il fallait oublier ces friches abandonnées, à l’heure où l’on veut pourtant croire en un nouvel âge industriel français.

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« Les Gueules Noires est avant tout une série documentaire » précise-t-il. Il s’agissait pour lui de montrer en quoi consistait le travail des mineurs que l’on surnommait les « gueules noires ». Pour que son objectif capture la lumière froide de l’hiver et préserve cette atmosphère de no man’s land, Félix a réuni un certain nombre de conditions. « Je voulais photographier un désert, qu’il n’y ait personne sur ces photos, mis à part les fantômes d’un monde passé ». C’est donc à l’aube, et par des températures très rudes, qu’il s’est rendu au bord de ce lac sur lequel une simple barque rend compte de la désertion de l’homme.

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Cette photo représente la « salle des pendus ». Les mineurs s’y changeaient et accrochaient leurs vêtements et équipements avant d’entrer dans la mine.  Cette vue en contre-plongée nous donne l’impression d’être face à des pantins dont les casques réfléchissent la lumière. L’impact de cette lumière très blanche et le choix d’un noir et blanc contrasté à l’extrême donnent une âme à ces photos.

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C’est donc bien un travail documentaire que Félix a réalisé. Mais le résultat est éminemment esthétique.  «Je savais dès le début de mon travail quelles contraintes je m’imposerais, et quels effets je voulais donner à mes photos : une série prise en très grand angle, en noir et blanc, avec des noirs bouchés et très denses ; Je voulais que mes photos soient aussi noires que le charbon extrait autrefois des mines. Il fallait qu’elles rendent cette impression d’abandon et de tristesse que l’on ressent quand on se rend sur les lieux ».

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L’or noir et la lumière pure du Nord ont imprégné sa pellicule, et le temps d’une série, Félix a fait renaître les mines, autrefois richesses de la région. « L’UNESCO a récemment classé le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais au Patrimoine mondial. J’ai peur qu’elle n’entreprenne une restauration du site et n’enlève aux mines tout leur charme », conclut-il. Mais dans mon esprit, les mines du Nord resteront donc le désert froid et les ruines néoromantiques des Gueules Noires.

Vous pouvez retrouver le travail de Félix de Malleray sur son site – Images soumises aux droits d’auteur, toute reproduction ou utilisation sans l’accord de son propriétaire est formellement  interdite.

Diane de Puysegur (d’après les propos de Félix de Malleray)