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Semaine de la Danse (4) : YouTube (des)sert-il la danse hip-hop ?

Episode 4, en association avec la compagnie de danse Art’Core.

Je ne tenterai même pas de me lancer dans une définition de ce qu’est la danse hip-hop et de ce qu’elle comporte comme différents styles tant ceux-ci sont nombreux. Cependant, il est nécessaire de prendre le temps d’expliquer les différents courants. A la fin de cet article, les lecteurs désireux d’en savoir plus pourront trouver un synthétique lexique expliquant la base des différents styles évoqués dans les prochaines lignes.
Parenthèse terminée, entrons dans le vif du sujet.

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La danse hip-hop a beaucoup évolué au cours des dix dernières années. Elle a évolué dans le style, la technique, la musique. Après plus de cinquante ans d’existence, le style se renouvelle et s’enrichit des cultures alentours. Les puristes râlent et prônent un retour au b-boying (ou « break dance ») old-school mais la tendance est à l’ouverture et à l’innovation. La danse hip-hop, en son sens le plus large, se démocratise. Il est révolu le temps où l’amateur lambda de danse hip-hop portait des pantalons baggies, une casquette à l’envers, et se déplaçait en boitant. Nous retrouvons aujourd’hui des danseurs et danseuses en leggings, bottes et sweatshirts noués autour de la taille, assumant une dégaine de hipsters.

D’où émergent cette ouverture et ce gain d’intérêt pour une danse historiquement cantonnée aux « initiés »? Un certain nombre de réponses existe à cette question. Nous défendons ici que oui, cette popularité grandissante, la danse hip-hop la doit en grande partie à YouTube.

L’explosion de l’univers numérique et du partage de vidéos en ligne a ouvert une toute nouvelle porte à la danse hip-hop. Ce moyen de communication de masse – relativement récent dans son utilisation intensive – a permis à des réalisateurs de petites vidéos sans prétentions de montrer leur talent au monde entier en utilisant les danseurs hip-hop comme sujets. Cette façon de mettre en avant la danse hip-hop, peu importe le style, en a montré un autre visage. Sur YouTube, vous trouverez un nombre démentiel de vidéos de break, de new style, de house, de popping etc. Que ces vidéos soient postées directement par les danseurs après un après-midi d’entrainements, ou montées de manières pros par des crews de vidéastes, elles remportent souvent un grand succès et rassemblent des centaines de milliers de vues, atteignant très fréquemment les millions.

YAK Films est un bon exemple de crew de vidéastes qui s’est fait connaître en filmant le hip-hop de manière originale : racontant une histoire, mettant en scène en extérieur des danseurs au style bien personnel. La vidéo ci-après est celle de leur première création, qui a vraiment fait du bruit dans le milieu. YAK a mis en scène les danseurs du crew californien Turf Feinz, rendant hommage au grand frère d’un des danseurs, tué quelques jours auparavant.

Avec ce partage massif, la danse hip hop est montrée sous tous ses angles : tutoriels, créations originales de danseurs solos, professeurs et élèves à la fin d’un cours, best-of de battles internationales…

L’exemple de la vidéo ci-dessous traduit parfaitement la manière dont la technique et la puissance d’un battle de break peut être sublimé par le montage vidéo.

Il devient très facile de se renseigner et de s’instruire sur la danse hip-hop. Tout est tourné, tout est publié. Même s’il est très courant de tomber sur des vidéos de très mauvaise qualité artistique, une quantité impressionnante de créations originales de talents est hébergée sur la plateforme.

Une nuance est à apporter au monde merveilleux du numérique, car cette diffusion de masse est à double-tranchant : elle permet de se tenir informée des nouveautés et de profiter de l’art de chacun mais accentue également l’effet de « copie » – plus populairement appelé « pompage » – de certains groupes. Tout mettre sur Internet c’est aussi prendre le risque que l’on s’inspire un peu trop librement des styles de chacun, jusqu’à parfois retrouver un manque d’originalité flagrant, d’un battle à l’autre, ou d’un cours à l’autre.  Il n’y a rien de plus frustrant pour un artiste que de retrouver son travail utilisé sans autorisation par des inconnus. Pour éviter ce genre de déconvenues, certains crews choisissent de très peu poster afin de laisser la surprise de leurs créations à ceux qui auront la chance de les croiser au détour d’un concours, d’un show ou d’une masterclass. Ils font le choix de préserver leur identité, quitte à sacrifier leur popularité. Alors oui, on peut remercier YouTube comme acteur de la démocratisation de la danse hip-hop, sans oublier que cet outil peut desservir la discipline en favorisant l’uniformisation des styles. C’est aux artistes de l’utiliser en connaissance de cause et de trouver le bon équilibre entre inspiration et originalité.

Finissons sur une touche légère ! Il est très fréquent de tomber sur des vidéos d’enfants de 3 à 10 ans maitrisant parfaitement un aspect de la danse hip-hop, que ce soit du popping, du break dance, ou même du locking. Les émissions américaines les plus populaires sont les premières à utiliser ces phénomènes du web en invitant sur leurs plateaux des petits génies découvert grâce à YouTube.

En voici l’exemple avec trois garçons de 8 et 9 ans sur le plateau du talk-show de Ellen Degeneres :

Marianne Hobeika 

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Dictionnaire (non-exhaustif) des styles :

– New style : mélange de différentes danses debout, incluant des mouvements de popping, waving, house… C’est le style le plus représenté dans les clips de hip-hop.

– Popping : style tout droit venu de Californie, il consiste en la contraction et décontraction des muscles en rythme. Le popping se travaille sur tout le corps, des bras aux jambes en passant par le torse. Il se danse sur différents styles de musiques aux beats bien marqués, comme la funk.

– Locking : danse qui a émergé dans les années 70. Le locking est un style très expressif et se danse à l’origine sur de la funk.

House : né plus tard que le reste des styles évoqués ici, la house a évolué en même temps que sa musique et joue beaucoup sur des mouvements de pieds rapides et précis (« footwork ») accompagné de mouvements fluides sur le reste du corps, notamment le torse.

– Break dance : à l’inverse des styles que nous venons d’évoquer, le break dance se danse au sol et se caractérise par des figures, souvent accompagnées d’acrobaties.