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L’origine de la Coupe du monde

Doha dans l’oeil (épisode XII)

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On ne s’ennuie jamais avec les Qataris. Alors, de quoi parle-t-on aujourd’hui ? De sport ? Oui et non. Aujourd’hui on parle de foufoune, d’une foufoune si grande et si large qu’aucun pénis ne lui rendra visite à moins qu’Arianespace ne songe à refourguer au Qatar une de ses fusées hors d’usage. Cette foufoune, c’est le stade de football d’Al-Wakrah, qui doit être construit pour la coupe du monde de football de 2022.

[caption id="attachment_7241" align="alignleft" width="460"]Le stade d'Al-Wakrah © Aecom Le stade d’Al-Wakrah © Aecom[/caption]

On aurait presque de la tendresse pour les Qataris. Leur petit côté naïf, ingénu, tombé de la dernière pluie – qu’ils ne voient qu’une fois par an – m’émeut et me touche, tant qu’il n’engage pas la vie d’autrui.

Alors, de quoi s’agit-il ? Rappelons que le Qatar a décidé d’acheter la Coupe du monde de football et que, par conséquent, ils vont devoir construire 10 stades de football dans une ville grande comme Lille. Sans commentaire. Il se trouve que l’un de ces stades ressemble étrangement au vagin d’une femme.

D’aucuns diront que les décideurs qataris, ne faisant l’amour que dans l’obscurité, n’ont pas eu l’occasion d’examiner la chose de près. Il n’est donc pas surprenant que la ressemblance ne leur ait pas sautée aux yeux.

D’autres avanceront que cette vulve gigantesque est une référence inconsciente à la femme de l’Émir dont on connaît l’attachement pour les valeurs du sport et de l’éducation. C’est une hypothèse audacieuse qui, aussi subtile soit-elle, est dangereusement irrévérencieuse. Nous ne nous étendrons pas.

La vérité appartient sans doute à Zaha Hadid, la talentueuse architecte d’origine iraquienne qui porte haut l’étendard de la féminité partout où on lui en donne l’occasion, d’Abu Dhabi à Londres. Son design est souvent qualifié d’organique et de vivant. Ce n’est pas la première fois qu’elle se voit reprocher son évidente aversion pour les constructions phalliques. J’aime Zaha Hadid. Par la grâce de son magnifique coup de crayon, le paysage urbain du Moyen-Orient s’adoucit. La course à « celui qui aura érigé la tour la plus grosse et la plus grande » devient soudain vaine et pathétique.

Avec le stade d’Al-Wakrah, Zaha Hadid a rendu un très bel hommage à la femme sans laquelle les hommes ne pourront pas jouer au ballon. Une fois n’est pas coutume, félicitons les qataris qui, à défaut de connaître l’anatomie de celles qui les ont fait naître, contribuent à leur manière à faire vaciller les murailles de leur société phallocrate et paternaliste.

Je propose donc de rebaptiser le stade d’Al-Wakrah. Il s’appellera désormais « l’Origine de la Coupe du monde ».

Fatima Yalla