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(3/4) “Pas de seconde chance pour les morts” d’Yrieix Denis

Chaque jeudi d’avril, Hélène Joyaux assistera aux répétitions des pièces de la compagnie Rhinocéros Sciences Po, pour nous révéler les coulisses de la saison 2013-2014. 

Voilà un quart d’heure que dure notre tête-à-tête, dans la salle de répétition déserte. Yrieix jette des regards de plus en plus inquiets à sa montre. Aucun des comédiens de Pas de seconde chance pour les morts, la pièce qu’il a écrite et met en scène, n’est à l’heure.

Nietzsche potache

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Pas de seconde chance pour les morts, au départ, c’est une réécriture de la Dispute de Marivaux dans un univers dystopique. Deux hommes et deux femmes découvrent le monde à l’âge adulte : ici, des clones ressuscités à partir des restes de célébrités décédées. Une comédienne, une écrivaine, un président de la VIème République et… un acteur porno.

Pas de seconde chance pour les morts tient autant de la science-fiction que de la farce politique, du dialogue philosophique (Nietzsche est cité dans le texte) et d’un bon vieil humour potache. « Je ne l’aurais jamais écrite sans l’opportunité de la monter avec le Rhinocéros, qui m’a fait confiance. » Avis aux auteurs en herbe !

Les comédiens arrivent au compte-goutte, un sandwich à la main. Le jeune Grégoire Bruno se donne déjà des allures de diva, heureusement justifiées par son grand talent. Se passe une demi-heure pendant laquelle Yrieix tente de dégager des solutions pratiques, agitant une cravache en l’air, sans aucun effet sur la coopération des acteurs.

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Précipité de vie

Le travail commence. Comme dans son écriture, l’impression qui domine dans la mise en scène d’Yrieix est celle d’un foisonnement. Bien loin de s’enfoncer dans son fauteuil de metteur en scène, il ne cesse d’aller et venir d’un comédien à l’autre, du fond à l’avant de la scène. Il règle les poses successives d’une comédienne, puis reprend le ton de l’excellent Jordan Munoz dans un même mouvement.

Plus encore, l’auteur-metteur en scène refuse de se reposer sur un texte figé. A bientôt un mois de la première, il ajoute encore des répliques, parfois des passages entiers. Un nouveau personnage a fait son apparition dans la pièce une semaine plutôt, nom de code Igor, incarné par l’auteur. La scénographie est le reflet de ce fourmillement, avec des costumes rocambolesques, des éléments de décor insolites (sarcophages miniatures), de nombreux passages en enregistrements vidéo et audio. La richesse du projet est à la hauteur de la générosité du créateur.

Les comédiens ne sont pas en reste dans cet élan d’inventivité, ni la costumière Domitille Caux, ou la scénographe Marianne de Cambiaire. Chacun se sent libre de jeter une nouvelle idée dans l’élixir et faire précipiter la vie.

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Alors que les premières dates approchent, le défi qui attend l’équipe est de cristalliser toutes ces inspirations dans un spectacle d’une heure et demie. On a hâte de voir ça.

Du 28 mai au 1er juin au Théo Théâtre et le 9 juin au Théâtre de Belleville dans le cadre du Festiféros.
La semaine prochaine, j’assisterai aux répétitions de la pièce Hamlet Machine, de Heiner Müller, mise en scène par Jean-Gabriel Vidal.