PROFONDEURCHAMPS

Une fois la grenade Valérie Trierweiler dégoupillée…

momento« Hell hath no fury like a woman scorned » (William Congreve)

Et ce n’est pas François Hollande qui pourrait dire le contraire.

On a l’impression que c’était hier encore que l’on voyait partout s’afficher les photos volées de François Hollande qui rejoignait, en quasi­ cachette sa maîtresse l’actrice Julie Gayet. On a l’impression que c’était hier encore qu’une ridicule rumeur courait sur l’irascible future ­ex Première Dame qui, dépitée à l’annonce de la terrible nouvelle, aurait saccagé son bureau à l’Élysée, causant au moins trois millions d’euros de dommages. Pourtant, voilà neuf mois que le couple présidentiel s’est séparé. Soit, pour Olivier Picard, auteur de Mariage, sexe et politique (chez Plon) « le temps d’une gestation, mais certainement pas celui d’une nécessaire prescription ».

Si la journaliste s’était faite discrète durant ces longs mois d’agonie post­-rupture médiatique, c’était pour mieux préparer son retour sur la scène littéraire (ou presque).

Quelle stratégie de communication ?

Son absence ces derniers mois n’a d’égal que l’imposant buzz médiatique dont elle est aujourd’hui l’objet, à travers la sortie très commentée de son livre relatant sa relation et sa rupture d’avec l’actuel président français, le socialiste François Hollande.

« Merci pour ce moment », 316 pages, publiée aux éditions Les Arènes a fait l’objet d’une stratégie de communication extrêmement maîtrisée, avec comme ligne directive le secret et le silence. Jusqu’au dernier moment, personne n’était au courant de cet événement qui allait bouleverser la rentrée politique mais aussi la rentrée littéraire.

Merci pour tout a occulté en quelques heures les 607 livres tant attendus de la rentrée littéraire. Jusqu’au dernier moment, même les libraires ignoraient tout de ce livre « sous XX », dont l’auteur et le contenu restaient confidentiels.

La méthode d’édition dite sous « XX » permet la rédaction, l’impression et la diffusion d’un livre à caractère politique (ou étant le fruit d’une personnalité médiatique importante), afin d’éviter toute fuite dans la presse ou les médias, mais aussi ­et surtout­ échapper à la saisine judiciaire qui empêcherait toute sortie dudit livre.

Jusqu’au dernier moment, le livre de Valérie Trierweiler, imprimé en Allemagne et arrivé sous scellé dans les librairies, aura été un mystère complet et opaque.

Cette stratégie de communication qui privilégiait donc l’effet de surprise et l’accélération du temps a semble-­t­-il parfaitement fonctionné.

Si l’information qu’un livre écrit par l’ex Première Dame a fuité mardi soir, c’est mercredi que Paris Match, employeur de Valérie Trierweiler depuis plus de vingt ans, a officialisé la venue au monde de cette bombe littéraire qui allait exploser à la figure des journalistes, des hommes politiques, et du public français.

Jeudi matin, fort d’une énorme promotion médiatique, le livre était mis en vente dans les librairies. Vendredi, il était déclaré en rupture de stock.

Quel traitement médiatique ?

Ici et là les critiques et les désapprobations fusent. On parle de « brûlot », de « honte » envers l’image de la femme, les politiciens ont tous descendus en flamme le livre, parfois même sans l’avoir lu, et la classe politique toute entière a érigé Valérie Trierweiler comme symbole de la vengeance sentimentale, de la furie féminine, ou encore de la journaliste ­espion qui n’hésite pas à rapporter des faits qui pourraient mettre en danger celui qui autrefois partageait sa vie.

« Les bonnes feuilles » étant diffusées dans Paris Match, ce sont plusieurs extraits qui sont repris en boucle par les médias et en particulier les chaînes d’information en continue qui martèlent sans répit l’effroyable surnom que le président, pourtant homme de gauche, attribuerait aux populations pauvres : les « sans-­dents ».

Ces deux mots ont fait le tour de la sphère médiatique et des réseaux sociaux en quelques heures avant que divers politiciens de gauche et conseillers du président n’arrivent à sa rescousse et le défendent sur les plateaux télés, rappelant à qui veut bien l’entendre que François Hollande est un homme respectueux qui n’ironiserait jamais sur un tel sujet.

Pourtant, ce qui aurait du être considéré comme le témoignage d’une femme trahie qui cherche à rétablir la vérité sur son expérience élyséenne n’est pas analysé avec toute la subjectivité habituellement de vigueur dans ce genre de situation. Au contraire, ses propos ont valeur d’autorité et semblent échapper à tout questionnement, toute remise en cause.

Avec cette phrase rattachée à la première de couverture, la journaliste dit avoir « trop souffert du mensonge pour en commettre à [son] tour ». L’auteur se doute bien que les éléments décrits dans son livre seront pour toujours consignés dans les rubriques du mystère insoluble, car personne ne peut confirmer ou infirmer les faits qu’elle évoque.

L’auteur se doute bien que ce qu’elle couche sur le papier, à savoir son intimité, l’intimité de son couple, ne pourra jamais sortir de son enveloppe énigmatique. Il serait ridicule et même dangereux pour le président de revenir sur la polémique des « sans­-dents ». Au contraire, il semble plus opportun pour lui d’attendre que la tempête passe et que ce triste passage ne soit relégué dans le zapping de l’anecdote politique.

François Hollande mis au pied du mur

Ce qui devait être un trait d’humour noir destiné à rester dans les tréfonds de l’intimité du couple présidentiel finit par faire les choux ­gras de la presse, devenant l’élément qui achèvera Hollande dans sa descente aux enfers, symbolisé par sa chute quasi ­constante dans les sondages hebdomadaires.

Interrogé lors de la conférence internationale au sommet de l’Otan, François Hollande a du s’expliquer et se justifier publiquement alors même que Barack Obama et Angela Merkel étaient présents. Quoi de plus honteux pour lui que d’avoir à donner sa version des faits sur un élément aussi ridicule et presque superficiel par rapport au contexte de guerre qui s’amplifie?

Ils s’étaient réunis pour discuter de l’avancée du groupe terroriste de l’État Islamique et de la situation en Ukraine, mais ce que l’on retiendra de cette conférence, c’est ce triste passage de honte et d’émotion qu’on peut lire sur le visage du président français, qui a perdu toute autorité institutionnelle et tout respect de sa fonction.

Alors qu’il voulait clore l’affaire, c’est dans Le Nouvel Obs que le chef de l’État a jugé bon de revenir sur l’affaire, en usant sans modération du storytelling pour rappeler qu’il venait d’un milieu modeste, et qu’il n’oubliait pas « les pauvres, les démunis » qu’il avait croisé durant sa vie et sa carrière politique.

Celui qu’on jugeait trop froid et que Valérie Trierweiler faisait passer pour cynique et dur fend la carapace et avoue souffrir de la situation : « Ce que je vis en ce moment n’est pas agréable, mais que voulez­-vous ? Que j’aille pleurer sur mon sort devant les Français, que je pleurniche ? Je ne suis pas un démagogue, ni un comédien. (…) Je veux rester dans l’authenticité de ce que je suis. Je n’ai jamais triché, jamais cherché à faire croire que j’étais quelqu’un d’autre que ce que je suis »[1].

Le président n’est plus respecté, et il n’est plus dissocié de l’homme qui revêt son costume, un homme aujourd’hui presque aussi humilié que la femme qu’il a trompé pendant un an.

Une provocation à double tranchant

Mais ce livre, s’il enfonce clairement Hollande dans le trou qu’il s’est lui même creusé depuis deux ans, profite­t­il vraiment à Valérie Trierweiler ?

Ce livre va plutôt rapprocher les deux anciens partenaires de vie dans les abysses de l’opinion et l’appréciation publique. Marine Le Pen évoque à ce titre un « concours d’indécence ». V. Trierweiler démembre la figure politique qu’il restait en filigrane à François Hollande, et ce faisant, réduit à néant l’image de « femme libre » qu’elle n’a cessé de brandir comme marque de fabrique face au carcan élyséen.

Outre le cachet considérable qu’elle devrait recevoir pour sa publication (on parle d’un demi- million d’euros), c’est aussi un déferlement de critiques et d’insultes parfois assez violentes que doit affronter la journaliste, car plus d’une partie de la profession lui tourne désormais le dos, après avoir saisi le bâton pour battre le sien.

La journaliste française Ariane Bonzon écrit ainsi « le livre de l’ancienne Première Dame m’a fait honte, en tant que femme, en tant que citoyenne et en tant que journaliste. » Le philosophe Bernard Henry Lévy quant à lui parle de « Hollande bashing » et « d’une mauvaise action d’une vulgarité insoutenable ». Si le livre a fait les choux­ gras d’une grande majorité de la presse et des médias, il subit aussi un violent rejet de la part de certaines personnalités qui vont au delà du cercle des hollandais. Certains libraires ont même refusé de vendre le livre choc, disant qu’ils ne sont « ni la machine à laver » ni la « poubelle » de l’ex- couple phare[2].

 

Celle qui avait pour habitude de défendre avec hargne et détermination sa vie privée l’affiche désormais aux yeux et aux su de tous, perdant ainsi toute crédibilité en tant que journaliste reconnue et expérimentée.

Par ailleurs, le timing qui impose le pavé politico-­people de Trierweiler face aux nouveaux sortis de la rentrée littéraire, parmi lesquels on retrouve des mastodontes du genre comme Emmanuel Carrère ou Amélie Nothomb n’offre pas une comparaison très honorable : le premier fera certes la une des journaux pendant une semaine ou deux, tandis que Carrère restera encore en tête des ventes à sa prochaine parution. Si Clémentine Autain parle d’une « certaine plume », Trierweiler signe là un texte qui n’obtiendra jamais autre considération que celui d’instrument de vengeance et de vecteur de rancune envers un ancien amant.

Ophélie Perros

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