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Adrien de Van : « Le Paris Villette est un lieu pour le jeune public au sens large du terme »

Valérie Dassonville et Adrien de Van co-dirigent le Paris-Villette depuis juin 2013. Un lieu culturel phare du 19ème arrondissement autrefois en danger – il a subi une liquidation judiciaire par le passé – et qui est désormais consacré à la jeunesse au sens large du terme, du public comme des créations. Les deux salles du théâtre accueillent ou ont accueilli Joël Pommerat, Lazare Herson Macarel ou Pauline Bureau. Rencontre avec Adrien de Van dans la salle chaleureuse et colorée du bar du Paris-Villette.

adrien_valerie_300-web Valérie Dassonville et Adrien de Van © DR et Conférence

Pouvez-vous nous parler de la saison à venir ?

C’est difficile, on ne peut pas vraiment parler de saison 2014-2015 car on fonctionne par saisons réelles, trimestrielles. Là on termine l’année 2014.

Qu’en est-il de la programmation du Théâtre Paris Villette ? Valérie Dassonville et vous avez orienté votre politique culturelle vers un théâtre jeune public, c’est bien ça ?


En partie mais pas uniquement dans le sens d’un théâtre destiné aux enfants. On cherche à toucher un public « jeune » au sens large, ce qui n’est pas seulement une question d’année de naissance. Il s’agit d’un public qui n’est pas habitué à aller au théâtre. Les spectacles pour l’enfance sont parfois des portes d’entrée pour des adultes. J’ai été directeur du Théâtre du Jardin, un lieu dédié à l’enfance. Beaucoup d’adultes y venaient et découvraient le théâtre en y amenant leurs enfants. Ils se croyaient accompagnateurs et se découvraient spectateurs.

Comment vous y prenez-vous pour toucher ce type de public ?


Tu ne vas jamais au théâtre seul la première fois. Partant de là, on se pose la question du passage à l’autonomie. On a par exemple créé un partenariat avec l’un des lycées du quartier. Le principe est simple : les élèves reçoivent des contremarques et doivent eux-mêmes faire la démarche, choisir la date à laquelle ils iront voir le spectacle, mais aussi et surtout avec qui ils viendront, plutôt entre copains ou avec un parent.

Votre politique culturelle est très différente de la précédente ?


Elle est différente. Le développement du public n’était sans doute pas aussi au centre du projet de  l’ancien directeur. Notre projet avait tout son sens ici, car la Villette est à la fois un lieu d’exigence artistique et un espace populaire et intergénérationnel (je pense par exemple au cinéma en plein air) Le parc est une force car c’est un lieu de brassage.

Qu’avez-vous mis en place pour attirer les habitants du 19e arrondissement dans vos murs ?

Plusieurs événements, dont un projet qui s’appelle « nos vies à la Villette ». Il s’agit de cinq ateliers qui nourrissent une création avec des habitants du 19e arrondissement qui sera présentée en Juin. On a également organisé deux ateliers d’écriture en face à face, le premier avec des femmes du quartier, le second avec des hommes en milieu carcéral. Les détenus ont joué au Paris Villette et y ont aussi vu un spectacle. Le but est de tisser pour chacun un lien avec le lieu et d’accompagner un public nouveau. Nous accueillons même un marché au sein du théâtre pour faire franchir la porte une première fois à des personnes qui ne connaissent souvent pas le Paris-Villette !

Le point central de notre politique culturelle est la volonté de tisser un lien entre le public le lieu. Au début on est parti sur un rythme festivalier avec une proposition très compulsive de spectacles. Le TPV a ainsi accueilli 15000 spectateurs en 2014 ! Il faut dire que c’est particulier de reprendre un lieu après une liquidation judiciaire. Tout est à refaire, à décider, à tester. De nombreuses questions émergent alors : comment faire venir des gens vu la densité d’offre de spectacles ? Comment construire un goût durable pour le théâtre ? En repartant de zéro, tu te reposes la question de savoir comment doit fonctionner un théâtre.

Tout est donc centré sur le rapport au public ?


Pas seulement. En s’intéressant à un public jeune, on s’intéresse aussi à une génération de metteurs en scène. Avant, il y avait un cloisonnement entre ceux qui faisaient du théâtre pour enfants, qui étaient mal considérés, et ceux qui faisaient du théâtre « sérieux ». Les choses ont changé et beaucoup de metteurs en scène font des allers-retours. Prenons l’exemple de Joël Pommerat. La question de la jeunesse est au centre de son dernier spectacle, Une année sans été. Les pièces programmées au Paris-Villette ne sont pas uniquement des spectacles « jeune public », nous accueillons aussi beaucoup de jeunes créateurs, des artistes ayant entre vingt et trente ans et souvent moins de quatre mises en scène à leur actif.

Le fait de programmer au trimestre permet de se mettre au rythme de ces équipes. On s’est en effet demandé comment assouplir les outils pour répondre au mieux aux réalités de la création. Ce qui n’est pas évident aujourd’hui. Il faut tout de même préciser que le TPV n’est pas un Centre Dramatique National et n’est donc pas un lieu de production : les projets accueillis doivent trouver leur financement ailleurs.

Que pensez-vous des conditions de création aujourd’hui ?


Je crois qu’il y a un enlisement de l’institution en général. Au cinéma la création est très autonome aujourd’hui. Au théâtre les artistes sont dépendants des espaces et les lieux « vieillissent », s’alourdissent et se rigidifient. Les théâtres deviennent des administrations avec de moins en moins de place pour les artistes. Certes il y a tout de même du renouvellement, mais les lieux restent sous-exploités.

Comment faites-vous pour sélectionner les spectacles ?


Être programmateur est à la fois très excitant et frustrant. Je reçois parfois une trentaine de propositions dans une journée. Pour choisir, nous allons beaucoup au théâtre (au moins quatre soirs par semaine), nous nous basons aussi sur les critiques, les retours d’amis etc. Il faut savoir doser entre la prise de risque et l’environnement concurrentiel des théâtres qui demande une certaine sécurité. Le contact humain joue beaucoup, mais il y a aussi une part de hasard. Programmer un spectacle, c’est au fond un peu une rencontre amoureuse.

Retrouvez l’actualité du Théâtre Paris Villette ici.

Propos recueillis par Lillah Vial