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Pedrolito : “Le mélange, c’est mieux !”

Avec son émission “Folklore Digital”, pour Radio Groovalizacion, et ses très réputées soirées Muevelo à Paris, Pedrolito est autant un DJ qu’un chercheur d’or, toujours à la quête du meilleur de la bass music internationale, couplée à des musiques ancestrales du continent sud-américain, à la recherche d’une champeta endiablée ou d’une samba langoureuse, mais aussi de sons allant de la cumbia à la musique chamane, en passant par le reggaeton. Rencontre avec celui qui, en vrai, s’appelle Pierre.

Pedrolito (2)

Raconte-nous un peu ton parcours entre les deux rivages de l’Atlantique, entre Buenos Aires et Paris.

Je suis né à Buenos Aires et j’ai vécu en Argentine jusqu’à mes dix ans. J’ai découvert mon goût pour le mix à mes premières booms en France où je restais collé au sound system pour passer des sons.

Dans les années 90 je me tourne vers le hip hop qui va nourrir mon parcours de digger jusqu’à aujourd’hui. Début des années 2000, je vais m’installer au Mexique, à Guadalajara, où je rencontre le crew de radioglobal.org. Il s’agit d’une radio web originaire de Tijuana et qui a étendu ses branches dans différentes villes du Mexique, des Etats-Unis et d’Europe. Avec cette radio je monte mon premier programme radio et je découvre le djing en bars et clubs. Brain explosion ! J’adore ça !
En plus, au Mexique, je découvre la musique folklorique du pays comme los corridos, la banda et surtout la cumbia sonidera. La scène locale est très riche, pleine d’expérimentations. Je me souviens de cet artiste nommé Wakal qui va dans la rue, dans les marchés mexicains et qui sample tout ce qui bouge pour en faire un track.
Bref, cette approche du local, du son populaire m’envoûte et je rapporte toutes ces influences en 2007, lorsque je rentre vivre à Paris.
Autre moment qui me fait définitivement basculer dans la tropical bass : à Buenos Aires en 2009, je me retrouve dans une soirée nommée « la Magica » qui développe des line up autour des gloires de la cumbia villera argentine et qui invite également des producteurs de cumbia digital. L’ouverture d’esprit de cette soirée, de son dance floor, les multiples influences qui l’alimentent vont poser les fondations de la fête Muevelo que j’organise à Paris depuis quelques années.

Comment tes deux identités nourrissent-elles ton travail ?

J’ai commencé à organiser des soirées à Paris parce que je n’entendais pas le son que j’aimais quand je sortais. Je me suis nourri au hip hop étant plus jeune puis la culture cumbia et reggaeton est arrivée.
Je vois le fait d’avoir le « cul entre deux chaises » comme une force. Je renouvelle toujours le son. La France m’a fait découvrir la culture électro qui alimente la tropical bass par exemple dans la façon de produire le moombahton ou le zouk bass. Bref tout est imbriqué.
J’ai beaucoup de plaisir à faire découvrir pendant les Muevelos les nouvelles productions venues d’Amérique Latine. Ces grooves chauds qui encanaillent les Parisiens. Bien sûr, il me faut de temps en temps retourner en Amérique latine pour m’alimenter sur place de nouvelles influences. Prochain projet de voyage : la Colombie !

Ton émission pour “Radio Groovalización“, Folklore Digital, est un voyage dans les identités musicales des plus grandes métropoles du monde. Voyages-tu beaucoup, à la recherche de nouvelles sonorités ?

Je voyage plusieurs fois par an à l’étranger. Je fais en général deux voyages par an au delà de l’Atlantique. Le voyage et bien sur fondamental pour la recherche de nouveaux morceaux même si internet met à disposition beaucoup de matériel.
A mon avis, rien ne vaut d’acheter des CDs gravés dans un petit bled du nord de l’Argentine ou sur une plage au Mexique.
En plus, pendant ces voyages, j’ai l’occasion d’aller dans des soirées locales bien cools où j’observe beaucoup le travail du DJ et les réactions du dance floor. Mon objectif final étant d’insuffler ces expériences dans mes mixes global bass.
Je voyage pas mal en Europe aussi pour faire des mixes et les rencontres avec les DJs d’autres villes sont géniales. On échange du son, des techniques, des expériences…
Oui, le voyage est fondamental pour renouveler la fraîcheur et la richesse d’un bon set de tropical bass !

Champeta, samba, musique chamane, cumbia : chacune de ces musiques draine des univers entiers et multiples. Comment les fais-tu cohabiter ? Quelles synergies créent ces associations ?

A la base des musiques que tu mentionnes, il y a une pulsation vitale très populaire, une volonté de danser et de tout oublier. La cumbia et la champeta viennent toutes les deux de Colombie et ont la dimension noire et africaine des percussions des esclaves africains déportés en Amérique du Sud. Le lien est tout trouvé. Ces deux styles ont une dimension très mélodique parfaite pour faire danser les filles !
La samba a cette même identité africaine et mélodique avec cette dose d’amour que seuls les brésiliens savent transmettre.
En ce qui concerne la musique chamane indigène, on y retrouve les instruments à vent comme dans la cumbia.
Bien sûr, il y a ces composantes purement musicales que lient ces différents courants mais j’insiste le « liant » de tout ça réside surtout dans une profonde identité populaire de ces musiques. De sons de la calle (de la rue), que l’on danse dans des sound systems ou en goûtant au peyote ou à l’ayahuasca.
J’aime beaucoup mélanger tous ces ingrédients pour obtenir un mix global et ainsi proposer à celui que l’écoute un voyage que ce soit dans les fêtes Muevelo ou sur une mixtape.

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Avec quels artistes travailles-tu ?

J’ai monté Muevelo avec Grandpamini aka Rumbass que j’admire et qui m’a initié au DJing. Actuellement, je bosse sur Muevelo avec MC C-Imperatriz qui est un maître de la tropical bass et toujours prêt à dénicher des tueries.
J’ai pas mal mixé avec Cucurucho qui a monté Radio Groovalizacion et qui à un goût incroyable et une énergie folle. Sinon, j’ai joué avec Uproot Andy, Dengue Dengue Dengue, Fauna, Sergent Garcia, Miss Bolivia, El Hijo de la Cumbia, the SoulJazz Orchestra, RKK from Radio Nova, Joao Brasil, Geko Jones, BBrave (Akwaaba Music), Max le Daron, P18, Dee Nasty, Alika entre autres. A chaque épisode de la fête Muevelo, j’invite un DJ d’une autre ville afin de rafraîchir le son pour le dance floor. Entre autres j’ai eu le délicieux Cal Jader de Londres, maitre Kosta Kostov de Cologne, le sublime Flama Blanca de Lisbonne, les magiques Rebel Up de Bruxelles…

Quelle mission donnes-tu à ta musique ? Faire transpirer et danser, faire rêver ou voyager ?

Quand je sors une mixtape, j’imagine celui qui l’écoute en train de danser dans son salon ou sur une plage ou d’aimer son prochain. Une fois, un Mexicain m’a dit qu’il avait mis mes mixtapes pendant son anniversaire et que même sa grand-mère avait dansé. J’adore ça !
Quand je mixe en soirée, j’adore voir des couples qui se forment sur les groove chauds. Je tente de faire voyager les auditeurs, sans limites, sans frontières. Le fait d’être dans la tropical bass a forcément une dimension sociale car ce sont essentiellement des musiques venues de milieux modestes et de toutes couleurs mélangées. Bref, l’idée est de tout mélanger car le mélange c’est mieux !
Je ne te cache pas que j’adore voir les danseurs transpirer et danser sur des basses hypnotiques et crier quand je passe un gros son de reggaeton ou de cumbia ! En gros, tu viens à Muevelo et tu vas voyager pendant toute un nuit en passant par l’Amazonie et Oaxaca, idem si tu écoutes mes mixtapes.

Un bilan de l’été 2015 ? Quels sont tes projets à présent?

2015 a été une année folle ! On monte une Muevelo par mois à l’Alimentation Générale ou l’International avec des invités internationaux à chaque nouvel épisode et des maîtres de la tropical bass. J’ai joué à San Francisco, Bruxelles, Hambourg, Dortmund… J’ai réalisé pas mal de nouvelles mixtapes (disponibles sur ici).
Après l’été, la saison reprend très fort avec le 19 septembre une Muevelo de prestige à l’Alimentation Générale en présence de Grandpamini, MC C-Imperatriz et Azuleski de Baja Frequencia !
Je bosse au sur une nouvelle mixtape tropical bass bien dansante qui sortira en septembre… Pas mal de projets qui mijotent !

Entretien réalisé par Quentin Jagorel

Retrouvez Pedrolito sur Radio Groovalización ICI.

Plus d’informations sur ses soirées Muevelo ICI.