PROFONDEURCHAMPS

Photo du jour. Sally Mann, “The Perfect Tomato”, 1990.

Photographed by David Heald 05/18/05

The Perfect Tomato (1990) impressionne par l’équilibre à la fois fragile et puissant de sa composition. On y sent l’œil aiguisé de la portraitiste américaine Sally Mann. La tomate, fruit mûr tirant vers le noir imprime sa marque ronde sur la table claire et force le regard vers le bas du cadre, tandis que Jessie, la fille aînée de Sally, entièrement nue, est délicatement immobilisée dans une pose improvisée de danseuse. A gauche, dans l’ombre, Larry Mann, le père, rêvasse, tandis que la petite Virginia arrondit les lèvres, stupéfaite devant sa sœur nimbée de lumière et déployant ses bras comme des ailes. Quand Sally Mann parle de cette photographie, elle évoque la main de l’ange qui produit le miracle. « Quelle chance avons-nous eu que Virginia fasse cette petite expression juste quand Jessie posait les pieds dans la lumière », avance-t-elle dans une interview.

Selon cette philosophie, le hasard aurait bien souvent récompensé cette singulière mère de famille. Certes – et c’est là l’un des charmes bien spécifiques de la photographie –, mais c’est sans compter que Sally Mann possède un don inouï pour le portrait, lequel s’est révélé dans son travail sur l’intimité de sa famille dans sa paisible demeure agricole située en Virginie. Avec Immediate family (1984-1991), elle documente la vie de ses trois enfants jusqu’à leur puberté, saisissant la grâce, la féerie frisant l’étrange et l’érotisme inconscient qui peuvent se dégager chez eux, tout un monde qui à l’orée de l’adolescence, est voué à disparaître. Une série qui lui a valu une célébrité internationale mais aussi de nombreuses controverses médiatisées questionnant violemment son apparente immoralité, ce dont elle a terriblement souffert. Mais les photos de Sally Mann sont avant tout de sublimes odes à la vie et des memento mori.

Inès Coville

TAGS