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Seapony : “Notre tournée, c’est un peu La Légende de Zelda”

Fin mai, Seapony, un petit groupe américain, originaire de Seattle posait ses valises et sa boîte à rythme à Paris, le temps d’un concert à l’Espace B. Juste assez pour aller rencontre Jenny (guitare et chant), Danny (guitare) et Ian (basse) et leur parler de leur tournée européenne, de voyages, de Seattle et de Pitchfork.

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Depuis combien de temps, êtes vous en tournée en Europe ?

Jenny : Depuis, une semaine. On a joué au Royaume-Uni, la semaine dernière. On a joué à Glasgow, Londres, Brighton et Bristol. Et maintenant, on est sur le sol européen.

Comment est-ce que vous voyagez ?

Jenny : En van. Pas de train ou d’avion. C’est plutôt cool. On peut admirer les paysages comme ça.

Il y a quelques semaines, sur Facebook, vous parliez de louer une voiture et d’aller de ville en ville pour jouer. Pourquoi est-ce ça ne s’est pas fait ?

Danny : En fait, on essayait de trouver le meilleur moyen pour tourner. Au début, on cherchait le moyen le moins cher et il se trouve que c’était de louer une voiture. Mais j’étais anxieux à l’idée de conduire, surtout à gauche. Et puis le code de la route et les panneaux sont différents. Ca devenait stressant de penser à tout ça. On a fini par engager quelqu’un pour tout ça. On n’a plus à s’inquiéter. C’est beaucoup plus agréable. On peut s’asseoir dans le van et juste regarder à travers la fenêtre.

Jenny : On y a pensé un moment, c’est vrai. Mais, oui, on pensait qu’on allait vraiment stresser avec ces histoires de panneaux, de code et d’orientation. En fait, on voulait juste pouvoir dormir dans le van quand on ne joue pas. On a notre tour manager Lorrie. C’est elle qui conduit et qui s’assure qu’on arrive à bon port.

Comment vivez-vous cette tournée européenne ?

Danny : C’est vraiment cool de voyager ici. Ian (le bassiste) nous disait que c’était un peu comme La Légende de Zelda. A chaque fois qu’on atteint un nouveau niveau, on obtient une nouvelle carte et notre carte du monde s’agrandit.

On passe beaucoup de temps sur la route, donc ça nous donne du temps pour réfléchir. Et être dans ces endroits… On a lu tellement de choses, et on a vu tellement de photos, de vidéos… C’est vrai que c’est presque trop pesant. Mais, chaque soir, chaque personne, chaque endroit est différent.

Les Etats-Unis sont grands, mais c’est tout le temps la même chose. On peut voyager d’un bout à l’autre du pays et les gens seront toujours plus ou moins les mêmes. En Europe, c’est différent. Les différences sont plus marquées alors que l’espace est plus restreint. Mais pour l’instant, on a vraiment adoré, ça c’est certain.

Jenny : On était au Royaume-Uni encore ce matin. C’est vraiment la première fois que l’on est sur le sol européen en tant que tel. J’ai vraiment aimé le Royaume-Uni, mais ça me semblait très familier. Tout est en anglais. A partir de demain, on va découvrir de nouvelles cultures et j’ai vraiment hâte.

Ian : C’est comme être dans un rêve, en fait. Les concerts sont plus ou moins les mêmes que ceux qu’on a pu faire aux Etats-Unis mais les réactions sont différentes. Les gens sont beaucoup plus enthousiastes ici. Et puis les lieux en eux-mêmes sont géniaux : des villes historiques, des immeubles plus vieux que tout ce que j’ai pu voir jusqu’à aujourd’hui. C’est vraiment incroyable. En tout cas c’est vraiment mieux que de faire une tournée aux Etats-Unis.

« On est en tournée, mais ça reste des vacances »

En quoi est-ce meilleur ? Le fait de voyager ?

Ian : Oui, de voyager. Ce sont des vacances. Nous avons tous un emploi aux Etats-Unis et nous avons dû prendre des vacances. S’éloigner pendant un mois, c’est agréable. Et même si l’on doit jouer, ça reste des vacances.

Est-ce que comme vous vous l’imaginiez ?

Danny : C’est toujours un peu différent. Londres était plus ou moins comme je l’avais imaginée. Tellement grande ! Mais je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre à Brighton ou Bristol. Je connaissais Bristol grâce à Sarah Records, mais je n’avais pas vraiment d’image dans mon esprit. Je n’avais pas vraiment d’attente. En fait, c’était une surprise : des villes belles et agréables.

A Glasgow, on n’a pas pu faire tout ce qu’on voulait, donc on était un peu déçu de ne rester que dans une seule partie de la ville.

On est arrivés il n’y a que quelques heures à Paris. Je n’ai pas vraiment vu le Paris que j’ai en tête, celui que j’ai toujours imaginé. De vieux buildings, des rues à couper le souffle, des scooters, des gens bien habillés un peu partout, et puis des gens amoureux. On verra sûrement ça demain.

Ian : En Angleterre et au Royaume-Uni, je me sentais chez moi. La langue est la même, la culture aussi, plus ou moins. J’ai eu quelques surprises : la nourriture et puis l’argot. Mais la plupart du temps, je me suis senti chez moi, j’ai adoré. J’ai vraiment aimé Brighton. C’était magnifique et Glasgow aussi.

Vous restez un jour dans une ville et puis vous allez dans une autre ?

Jenny : On est resté deux jours à Londres. On a aussi deux jours à Amsterdam et deux autres en Italie. Mais en général, oui. J’aurais aimé rester plus longtemps à Paris.

Vous en profitez pour jouer aux touristes en même temps ? Ou est-ce que c’est une sorte de mécanique : arriver quelque part, jouer et partir ?

Jenny : La plupart du temps, on essaie de visiter, de prendre du temps pour le faire. On veut voir et vivre ces villes. On n’est arrivé ici qu’à 19 heures et donc on n’a eu le temps de ne rien faire. On va se lever tôt demain pour essayer de faire tout ce qu’on veut. Et puis, on doit aller voir la tour Eiffel. Il y a tellement de choses que je veux voir, mais je me dis que si je suis à Paris et que je ne vois pas la tour Eiffel, ce serait juste bizarre. Je ne peux pas faire ça (rires).

« Notre batteur n’est pas venu. Il avait peur de se faire virer ».

Vous avez tous les trois un emploi et vous avez donc dû prendre des vacances pour venir jouer en Europe. Qu’est-ce que vous faites aux Etats-Unis ?

Ian : Je fabrique des lits et elle des immeubles (rires).

Jenny : Je suis architecte. Je travaille pour une entreprise à Seattle, sur la côte ouest. D’habitude, nous sommes quatre en tournée, mais notre batteur n’a pas pu se joindre à nous parce qu’il avait peur d’être viré s’il partait pendant un mois.

Danny : Je viens de démissionner. Je travaillais dans un hôpital, dans l’administration. Je devais m’assurer que l’argent des assurances allait au bon endroit. C’était assez chiant comme boulot, mais ce n’était pas si mal. Je travaillais avec des gens bien et puis ça payait le loyer. Il va falloir que je retrouve quelque chose quand je serai rentré.

Cette tournée, c’est un peu vos vacances ?

Danny : Oui. On ne voulait pas venir parce qu’on avait sorti un nouvel album mais parce qu’on en avait envie. Et le faire de cette façon ne nous revient pas si cher, parce qu’on gagne un peu d’argent ici, un peu d’argent là. Au final, on perd plus qu’on ne gagne. Mais on perd moins d’argent que si on était venu en simples touristes. Et puis, c’est cool de jouer, de voir les gens venir nous écouter. On aime ne pas avoir de trop grandes attentes. Notre but n’est pas de devenir super connus. Ca ne nous semble pas réaliste de vivre de la musique. Ce serait cool, mais c’est beaucoup de travail. Par exemple, hier soir, on était tous tellement fatigué. Parfois, ce n’est pas marrant de jouer. Surtout si le public n’est pas agréable. Ca devient une corvée, parce qu’on passe beaucoup de temps sur la route, à attendre… mais au moins on n’a pas beaucoup de choses à transporter.

« On aurait pu demander de l’argent à notre label mais on a préféré faire ça nous-mêmes »

Vos instruments, une boîte à rythme et les câbles ?

Danny : C’est ça. Le plus difficile c’est d’arriver à ne pas oublier un câble par-ci par-là. C’est un peu bizarre comme disposition mais on a l’air de s’en sortir. Je l’espère, en tout cas.

Vous avez demandé de l’aide à votre label pour cette tournée ?

Danny : Non. On aurait pu. Ils nous auraient sûrement donné de l’argent, mais on a  préféré faire ça nous-mêmes. On avait un peu d’argent de côté, donc on s’en est servi.

Vous jouez sans batteur. Comment est-ce que ça se passe sur scène ?

Ian : Sur l’album, on utilise une boîte à rythme. Danny la programme. En tournée, on a un batteur avec nous depuis plus ou moins un an. Il est allé au Japon avec nous, il y a un mois. Mais il n’a pas pu venir en Europe, à cause de son boulot. Il ne pouvait pas s’éloigner trop longtemps. Donc on a pris la boîte à rythme avec nous. On aime bien l’utiliser parce qu’elle joue toujours la même chose et ça ressemble à la version de l’album. Mais avoir un batteur, c’est plus d’énergie sur scène et on s’éclate plus. Je l’adore, c’est un mec bien. J’aurais aimé qu’il puisse venir avec nous. Mais bon, la boîte à rythme marche bien. On voyage léger comme ça. Une boîte a rythmes et trois pré-amplis. Tout tient dans un sac. J’espère juste que ça ne gêne pas trop les gens. Et on a ajouté des images derrière nous pour détourner l’attention.

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Elles étaient géniales. Qui les a faites ?

Ian : Murph (Michael Murphy), il habite à Los Angeles. C’est lui qui a filmé et réalisé la vidéo de « Be Alone » ; donc c’est assez planant, en super-8, un peu Californien, Danny lui a envoyé un mail et lui a demandé s’il pouvait compiler quelques rushs pour nous. Il a pris pas mal de trucs qu’on aimait et nous les a donnés : ça donne des extra-terrestres et des plages (rires).

Quel type de public assiste à vos concerts ?

Danny : C’est toujours différent. A Londres, c’était vraiment bien. En général, ça se passe bien. Selon les endroits, il y a plus ou moins de monde. Je crois que c’est à Londres et à Paris qu’il y avait le plus de monde et où les gens étaient les plus réceptifs. Mais dans le fond, c’est toujours mieux que n’importe où aux Etats-Unis. Spécialement Seattle, d’où on vient. On a l’impression qu’ils s’en foutent. Ils sont vraiment indifférents. Je pense qu’ils n’aiment juste pas la pop music. Ils ont toujours cette mentalité grunge (Nirvana et toute la vague grunge venait de Seattle). Quelqu’un a dit que si on avait du succès à Seattle alors il y a quelque chose qu’on ne devait pas faire correctement. Donc, on va dans des endroits où on est mieux accueilli, comme Los Angeles. On est aussi allé à Tokyo et ça s’est super bien passé.

Jenny : Ce soir, c’était vraiment génial. Londres était extraordinaire. Parfois, il n’y a pas autant de monde, c’est vrai. Et à certains endroits, les gens ne dansent pas autant. Ils restent debout et se contentent de nous fixer.

Ce n’est pas déstabilisant ?

Jenny : Si ! C’est plus compliqué de sentir la musique. C’est beaucoup plus marrant de jouer quand les gens s’amusent.

Quand le concert a commencé, Ian, tu as mis tes lunettes de soleil. Pourquoi ?

Ian : Je ne suis pas vraiment excité à l’idée de jouer. Je suis vraiment timide. Et comme ça, je me cache un peu. Je ne m’ennuie pas. J’aime vraiment jouer. C’est juste que je n’ai pas l’air du mec le plus heureux du monde, sur scène.

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On pouvait voir Danny et Jenny s’éclater d’un côté de la scène et toi de l’autre en train de jouer de ta basse tranquillement derrière tes lunettes.

Ian : Oui, en général je me tiens en retrait, et essaie de ne pas trop m’en faire. Je mets mes lunettes et en général je ferme les yeux. Si je n’ai rien sur le nez, ça a l’air vraiment bizarre. On dirait que je dors sur scène. Quand je mets mes lunettes, je peux faire prétendre de ne pas être là. J’écoute juste la musique et je peux me concentrer dessus. Comme ça, je ne suis pas distrait. Je suis nerveux à l’idée de jouer devant des gens. Ça m’aide à me sentir mieux.

Danny : Nous, on adore jouer. Je me sens bizarre si je reste immobile. C’est un peu comme aller en boîte de nuit. On commence à danser et puis on ne s’occupe plus de rien.

Vos albums ont été critiqués par Pitchfork. Est-ce que des gens se sont soudainement mis à vous écouter, à acheter votre musique, ou à aller à vos concerts juste après ces publications ?

Danny : Je crois, oui. Ca nous a exposé à beaucoup plus de monde. Même si la première critique était un peu indifférente. Je ne pense pas que la personne qui l’a écrite a vraiment aimé notre album. Mais c’est une bonne chose. Quand je vois une bonne critique, je m’en fous. Mais quand j’en vois une mauvaise, je veux voir par moi-même ce que ça donne. En fait, à part s’ils te descendent, être sur Pitchfork c’est plutôt bien. Ca a dû nous aider,

Jenny : C’est marrant, parce que même quand ils te descendent, des centaines de personnes se mettent à t’écouter, simplement parce que tu es sur Pitchfork. C’est de la folie.

Vous savez comment vous avez été choisi ?

Jenny : Non. On a un label et ils ont envoyé les albums à des magazines et des blogs. Je suis sûre qu’ils leur ont envoyé. C’est assez excitant, à vrai dire.

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Ils ont présenté votre musique comme étant dans la même veine que Best Coast, d’une certaine manière. Et pourtant c’est assez différent de ce que vous faites.

Jenny : Oui, je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé. Je trouvais ça bizarre que la première phrase soit à propos de Best Coast. Je me demandais pourquoi.

Vous avez été aussi comparé aux Vivan Girls, Dum Dum Girls…  Comment est-ce que vous le vivez ?

Danny : Ce sont de supers groupes. J’aime ce qu’ils font. J’écoute tout le temps The Vivian Girls. Plus trop Best Coast, maintenant. Mais ça ne me gêne pas. Je ne sais pas vraiment pourquoi ils nous comparent les uns aux autres. Parfois ce n’a pas vraiment de sens. On a tous une fille au chant. Mais je peux voir qu’on est un peu dans le même courant.

Comment est-ce que tu définirais votre musique ?

Danny : De la guitar-pop. On essaie de rendre ça cool à jouer.

Qui sont vos influences ?

Danny : Sur le premier album, je dirais Best Happening, parce que c’était assez minimaliste. On ne voulait pas trop se mettre en avant. Juste s’amuser avec les bases. Je n’écoute pas beaucoup de twee-pop, mais je connais The Field Mice parce comme nous, c’est un groupe avec deux guitares, une basse et une boîte à rythme. Eux et The Tiger Trap. Parfois, on essaie de faire de la country. Mais ça ne ressemble pas à de la country, au final. J’imagine que ça marche comme ça. On essaie de coller à quelque chose et au final ça devient quelque chose de complètement différent.

Entretien réalisé par Grégor Brandy