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Hooded Fang, Surfin’ Canada

Faire du rock en 2013 est d’un casse-gueule assez absolu. Tout a été fait, mille fois, et très bien. Réinventer cet art éminemment mineur – et pourtant si cher à mon cœur – était une quête en laquelle j’avais, je dois l’avouer, tout à fait cessé de croire depuis de longs mois et l’album des esthètes punkisants de Parquet Courts.

[caption id="attachment_4982" align="aligncenter" width="500"]Hooded Fang © Sara Amroussi-Gilissen / Full Time Hobby Hooded Fang © Sara Amroussi-Gilissen / Full Time Hobby[/caption]

Les disques, comme à leur habitude, s’empilaient négligemment sur mon bureau, mais le magnifique Light Up Gold des susnommés new-yorkais n’avait pas vu un compatriote « rock »  le rejoindre depuis trop longtemps, s’ennuyant ferme avec ses oncles et cousins éloignés sur une étagère poussiéreuse.

C’est alors que – fort de ce constat quasiment définitif que je portais sur un genre qui avait pourtant été mon premier amour musical et qui m’était depuis resté fidèle malgré les innombrables, exotiques et expérimentales infidélités que j’avais entreprises – je rencontrai Hooded Fang. Leur dernier album du moins, Gravez.

Les premières secondes, incipit mélodique et éthéré, vous plongent instantanément dans un univers gorgé de reverb et de chorus ; aquatique presque. Puis, une basse lourde et nirvanesque annonce l’entrée dans l’album à proprement parler. Les guitares s’allument peu à peu, et déjà les chœurs viennent compléter une première minute hallucinante de fraicheur et de talent. « Pa-Pa-PaPa-Pa-Pa-PaPa » entonne le quartet canadien, concluant la chanson titre par un clin d’œil discret au groupe de Brian Wilson.

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Le troisième morceau, Ode to Subterrania, élargit de manière considérable le spectre d’influences du groupe : on y discerne le Velvet, Yo La Tengo, le tout soutenu par une basse rebondissant à l’infini. Une seconde de répit, puis le single – parfait – de l’album : Bye Bye Land, et son riff d’une simplicité et d’une efficacité saisissantes. Prisonniers heureux et consentants de cette cascade d’envolées saturées, on ne boude pas notre plaisir.

Les six autres compositions de Gravez, au fur desquelles on se laissera même aller à comparer la voix du frontman canadien à celle de l’autre héros punk/surf rock de l’année – Zac Carper de FIDLAR –, suivent le même schéma, d’un enthousiasme formidable, empilant riffs et mélodies entêtants, rythmiques surf, constructions passionnantes, le tout terminant en une Outro nous plongeant dans une dernière vague du liquide amniotique électrisé de ces Torontois magnifiques ; apocalypse génésique.

Paul Grunelius