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C’est tout Com (épisode 1) : Faut-il leur couper le sifflet ?

Vous n’avez pas remarqué ? En ce moment, ils se mettent tous à siffler dans les publicités. Zoé de Renault, Peugeot 2008, chacun y va de son petit chuintement mélodique.

mickey whistles steamboat willie

Le sifflement est un subterfuge, l’apanage de l’ignorant et du chanteur de salle de bain. À part chez le talentueux Bobby Mc Ferrin, le sifflement est le renoncement du musicien, son petit moment de faiblesse. Il faudrait se demander s’il était nécessaire de siffler dans winds of change de Scorpions ou dans move like Jagger des Maroon5.

Le troubadour nommé Féloche est un petit malin qui pour se reposer les phalanges sans avoir mauvaise conscience en a fait le thème principal de sa chanson Siblo (sifflement en espagnol), célébration d’un langage à base de sifflements que pratiquent les habitants de l’île de la Gomera aux Canaries. C’est pratique, inattaquable et ça fait un tube pour bobos. Envoyez la caillasse.

Le sifflement dans les chansons, c’est tout de même un peu ringard. Depuis Ronnie Ronalde, Roger Whittaker et Micheline Dax – qu’elle repose en paix – personne n’a jamais osé en faire sa marque de fabrique. Avec une exception notoire, le respecté Quentin Tarantino qui, on le sait, a l’habitude de faire vibrer les vieilles gamelles. Dans les colonnes sonores de Kill Bill (twisted nerve d’Hermann Bernard, repris pour le Renault Scénic, tiens-donc) et Django Unchained, le sifflement a des accents dramatiques qui nous rappellent les bons vieux westerns spaghetti orchestrés par Ennio Morricone.

Pas très classe le sifflement, un peu fastoche comme diraient Castorama et Féloche ? Alors pourquoi en abuser ? Parce que justement, le sifflement a ce je ne sais quoi de familier qui met un message à la portée de toutes les ouïes.
La définition de Wikipedia (oui, je sais, Wikipedia) nous éclaire un peu plus : le sifflement est la production d’un son par le biais d’un flux constant d’air.

Tout comme le pet, le sifflement résulte donc du passage d’un vent comprimé dans un orifice rétréci volontairement. Nous admettrons cependant que l’orifice buccal, à la différence de son cousin placé plus bas dans notre anatomie, produit une gamme de sons plus élaborés et ne risque pas d’alarmer les publics par la production d’effets collatéraux.
Et si je peux me permettre, les dauphins – qui sont si intelligents qu’ils arrivent encore au XXIème siècle à se faire dérouiller collectivement aux larges des îles Féroé – correspondent eux aussi en sifflant.
Je précise que si vous êtes sujet aux acouphènes, ce n’est pas qu’un gentil cétacé essaye de communiquer avec vous. Mais je m’égare, pardonnez-moi, ils m’énervent les dauphins, Oum, le chocolat blanc, un traumatisme d’enfance, elle avait qu’à me donner un bout de sa tablette, enfin bref…

On pourrait classer le sifflement dans la famille des tiques du langage et de la communication presque verbale. Nos amis transalpins, qui ne se lassent pas de nous observer avec étonnement et consternation, appellent ça des pernacchie, tous ces petits bruits de bouche dont les français abusent pour ponctuer leur phrase ou manifester leurs émotions. À tel point, comme l’affirmait un ami natif de Rome, que pour parler couramment le français, il suffirait de se fier à l’infinie variation de nos claquements de langue. Quelques jurons, notamment l’inévitable putain, ne pourront pas nuire à la compréhension du message, avait-il concédé.

Alors, il évoque quoi ce sifflement dans les spots radio ? Qu’est ce qu’il dit ?
Il dit : « la vie est belle, ne te fais pas de soucis, mon ami » (voir Bobby Mc Ferrin cité plus haut ou la première apparition cinématographique du Mickey de Walt Disney).
Il dit : « c’est facile, c’est malin, t’es pas plus con que les autres, tu vas y arriver, mon gars » (poussez pas, vous le traverserez tous le pont de la rivière Kwaï).
Il dit : « on appartient à la même tribu, toi et moi on se comprend (se rappeler de la bande originale de West Side Story, quand les jets s’interpellent).
Il dit : « on va pas se prendre au sérieux, c’est des conneries tout ça » (le siffler en travaillant des 7 nains de Walt Disney, encore lui)
Il dit enfin : «  je suis une grosse flemmasse et j’assume en bloc » (le final de dock of the bay d’Otis Redding).
Empathie, insouciance, universalité… Les communicants de la communication auraient tort de se priver du sifflement.

Alors où le bât blesse t-il ? C’est que, chers amis, comme pour la finesse, trop de sifflement tue le sifflement. Les pubards ont la mauvaise habitude d’exploiter une veine jusqu’à son épuisement et au final, la confusion règne. Si le spot pour la perceuse à percussion ressemble au spot pour le lait maternel, où va-t-on ?
Peut-être, en définitive, s’agit-il d’un hommage détourné au ballon rond, que feu Pierre Bachelet emballa de sifflement dans la bande origine du mythique film de Jean-Jacques Annaud, Coup de tête ?
Allez, coup de sifflet final.

Gabriel Malika

Gabriel Malika travaille dans la communication. Il a vécu au Moyen-Orient pendant 10 ans. Il a publié deux romans, Les meilleures intentions du monde et Qatarina, aux éditions intervalles.

2 Commentaires

  • Posté le 26 June 2014 à 13:42 | Permalien

    Galvaudé, certainement.
    Mais, dans la musique, s’il est fréquemment utilisé pour les mauvaises raisons, je n’arrive pas à croire que du “Dock of the Bay” d’Otis Redding au “Jealous Guy” de Lennon on puisse le réduire à une simple flemme de l’artiste. Je le vois plus comme une alternative au chant, parfois agaçante, souvent élégante – en témoigne le très beau “Truth” d’Alexander, et quoiqu’il en soit toujours préférable à l’insupportable kazoo.

  • Posté le 30 July 2014 à 12:18 | Permalien

    POSTULAT 1
    Entendre un sifflement, c’est comme marcher sur un mauvais chewing-gum se prélassant au mois d’Août sur le trottoir…
    1 seconde pour l’attraper, 2 heures pour s’en débarrasser.

    POSTULAT 2
    Aussi, j’associe souvent le sifflement à l’urinoir..
    -soit pour manifester cette sensation de plaisir
    -soit pour détendre une gêne qui s’installerait avec son voisin de droite ou de gauche (pas de derrière)

    Imaginez ce que ça donnerait si un jour vous alliez aux toilettes, que votre voisin de droite se mettait à siffler et qu’en en sortant, vous marchiez sur un chewing-gum