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Playlist PdC #67 : The Feeling Of Love

Garage, krautrock, rock psychédélique… Les genres se fondent et se confondent. Si la tentation de l’étiquette est souvent forte, il n’est pas difficile dans le cas de The Feeling Of Love de la refréner tant une formule bien plus simple, bien plus claire, bien plus universelle vient à l’esprit : un excellent groupe de rock français (ou plus exactement, groupe français de rock). Si simple, et pourtant l’exploit est déjà là pour ces Messins – bien évidemment signés sur Born Bad – qui explorent pour nous dans cette playlist leurs influences, ce qui le meut et ce qui les émeut, les mélodies, les riffs, les voix qui les ont fait naître à la musique. Un très beau – et très documenté – voyage où on croisera Kurt Cobain et Lou Reed buvant des bières sur un comptoir au zinc poussiéreux et collant, Roy Orbison tout droit sorti de Blue Velvet et les Spacemen 3 en pleine montée.

1/ Nirvana – Heart Shaped Box

Nirvana est le groupe qui, comme beaucoup d’autres adolescents, m’a mis une guitare entre les mains et m’a poussé dans les bras de la culture underground.

Heart Shaped Box est une chanson que j’écoute depuis de nombreuses années et vers laquelle je reviens régulièrement. Elle possède une force d’attraction qui ne s’est pas tarie avec le temps. Elle m’hypnotise, me prend aux tripes à chaque fois. Et je ne sais pas exactement d’où ça vient. Ce riff de guitare simpliste, légèrement glauque et dissonant qui tourne en boucle ? Ce refrain hyper lourd avec un Cobain limite diabolique, éructant qu’il n’est qu’un geignard taré face à nous, personnes pleines de bon sens ? Le clip avec les corbeaux mécaniques, le vieillard christique en couches culotte ou la petite blonde en tenue du KKK ? Les paroles hallucinées et viscérales ? Le feedback baveux sur le final ?

2/ Lou Reed – Gimmie Some Good Times

J’adore la prod sur cet album, Street Hassle. Le son est plus ou moins live, assez sale, gras, dans lequel cohabitent des riffs bluesy rock dissonants, des solos de guitares héroïques bien baveux, une batterie lourde et mid tempo, du saxophone, des chœurs féminins gospels, des violons et des pianos minimalistes. Et surtout la voix de Lou Reed ! Traînante, nasillarde, acide à souhait, avec des falsettos de crooner décadent. Une vraie petite frappe avec une gueule de crapaud et un blouson en plumes de corbeaux. Il te baratine sur ce qu’est la « Vraie Vie dans la Rue » pour mieux te vendre sa dope de merde et te faire les poches quand tu regardes ailleurs.

3/ Syd Barrett – Dominoes

Ce morceau (et beaucoup d’autres de Barrett finalement) est une référence pour moi. Une idée que j’essaie de toujours garder à l’esprit. La musique psychédélique naît plus d’un sens original de la composition que de la surenchère dans les pédales ou racks d’effets en tout genre. Ce que j’aime dans la musique c’est, comme ici, sentir la fragilité d’une voix, d’une succession d’accords… Un morceau en train de se faire à mon oreille, sentir le process…qui prend des chemins de traverse pour nous emmener vers des émotions plus subtiles, plus étranges, moins évidentes. Une musique qui ne se donne pas d’emblée. Je déteste la musique sûre d’elle-même, de son pouvoir sur les gens.

4/ Roy Orbison – In Dreams

OK, Roy Orbison c’est moins fragile que Syd Barrett. Le mec sait qu’il est un putain de faiseur de tubes. Mais bon, In Dreams reste un morceau magique. Doux et puissant à la fois, d’une efficacité mélodique redoutable reposant sur une structure peu courante dans le monde de la pop. Il n’y a ni de couplet, ni de refrain. Cette chanson est une lente progression lyrique qui commence avec une petite guitare acoustique et une voix susurrante pour finir dans une explosion de chœurs et de violons. Une berceuse qui accouche d’une symphonie. Et cette force émotionnelle ne vient pas des arrangements mais de la progression des accords (tel un long travelling) et de la voix intense de Roy Orbison. Il y a une vidéo de lui jouant cette chanson seul à la guitare folk. Ça défonce.

5/ Spacemen 3 – How Does It Feel

Comme Syd Barrett, les Spacemen 3 sont pour moi une référence en matière de musique psychédélique, voire même de musique tout court. Ce morceau How Does It Feel est un must de minimalisme sophistiqué et contemplatif. Pendant plus de sept minutes, il tient sur une seule note qui se répète avec différentes longueurs d’écho et quelques phrases hallucinées. Quelques roulements de caisse claire interviennent à la fin, mais c’est trop tard, le morceau s’éteint peu à peu. J’aime ça, je n’ai pas besoin de plus. Avec rien, cette chanson est un vrai trip. Playing With Fire sur laquelle elle figure est leur meilleur album.

6/ Greg Ashley – Amnesia

J’ai connu ce mec par hasard en traînant sur Myspace (je ne connaissais pas son premier groupe Gris Gris). Et je suis tombé amoureux de cette chanson. Je me la suis longtemps passée en boucle. Ce synthé bizarre au début, la guitare folk, un son un peu lo-fi mais précis, chaud. On sent un savoir faire chez ce mec qui doit enregistrer dans son salon avec du vieux matos analogique. Et puis j’entendais ces bout de phrases étranges : « I’ve got amnesia and so lord I believe you now. I thought that the end was something special for a girl […] piss on the servant ». Le sens profond de cette chanson m’échappe toujours mais je m’en fous. J’aime me laisser porter par cette très belle balade pop onirique sans savoir où je vais.

7/ Cate Le Bon – No God

Parce que je l’ai découverte avec cette chanson, après avoir lu une interview de Kevin Morby. Parce que tous ses albums sont parfaits. Parce qu’aujourd’hui, c’est elle la meilleure guitariste (solos et riffs confondus), compositrice, parolière, chanteuse en musique rock/pop (mecs et filles). Et la seule à avoir fait une reprise de Syd Barrett qui soit à la hauteur de l’originale (Feel).

Je l’ai vue sur scène au Point Ephémère il y a quelques mois. Elle et son groupe ont scotché tout le monde. Ils étaient beaux, complices, avaient un son parfait et jouaient juste, précis, sec, tendu, tout dans la retenue. Pas besoin de blabla entre les morceaux, ni de stage diving pour chauffer la salle. La grande classe.

8/ Chrome – The Monitors

L’album Alien Soundtracks est un des trucs les plus flippants que j’ai entendus. Les premières fois que je l’ai écouté, j’ai vraiment eu l’impression que des êtres maléfiques s’étaient introduits chez moi.

9/ Lou Reed – A Gift

Un dernier pour la route.

«Responsabilities sits hard on my shoulder 

Like a good wine I’m better as I grow older

I’m just a gift to the women of the world. »

Vas-y Lou.

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Recueilli par R̩my Pousse-Vaillant РEdit̩ par Paul Grunelius

Un Commentaire

  • Posté le 1 November 2014 à 12:24 | Permalien

    daytime fantasy odf sexual abandon, meilleur punchline de l’histoire de la musique avec les longueur de shubert