PROFONDEURCHAMPS

Citation du jour. “Nous avons perdu en naissant autant que nous perdrons en mourant. Tout.”, Emil Cioran

 

tombe

Que l’on “vadrouille à travers les jours comme une putain dans un monde sans trottoir” près de Montparnasse-Bienvenüe, pour peu que l’on ait décidé de s’arrêter devant la lourde grille du cimetière du Montparnasse, aux alentours de dix-sept heures -heure de quasi fermeture-, par une froide après-midi de décembre, mû par l’impérieuse nécessité de payer hommage au sieur Emil Cioran (“en aparté avec son squelette” pour l’éternité, ce que sa chair peut désormais tout à fait lui pardonner..), après avoir ressenti une vague nausée dans ces lignes de métro constamment bondées qui exhalent une promiscuité moite et étouffante -“mondes sans mélancolie où les rossignols se mettraient à roter“- : on trouvera, 13e division, 2e à gauche, 1ère à droite, 10 tombes devant, 3 tombes à droite, l’arme à gauche -chasse au trésor du pèlerin cioranien averti qui a au moins la certitude masochiste de “tomber sur un os“- le cadavre encore “fumant” -Cioran sans doute la clope au bec- d’Emil Cioran, et de Simone Boué, feu son épouse.

Insomnie, Déprime et Extase

Aujourd’hui, on peut trouver trois énigmatiques petits cactus sur la pierre tombale -dont les noms sont écrits sur les pots : “Insomnie, Déprime et Extase“; et même, avec de la chance, un aphorisme tracé à la hâte et à la craie blanche, acte de vandalisme poétique encore frais, à même la tombe -où sont donc les coupables ? deux jeunes gens semblent s’éloigner en (sou)riant de leur forfait, comme les fantômes “fous, gais, enjoués” d’Emil et de Simone revenus hanter le cimetière-, mais sans doute maintenant effacé par la pluie : “Nous avons perdu en naissant autant que nous perdrons en mourant. Tout.

cactus

Nous avons perdu en naissant autant que nous perdrons en mourant. Tout.

Ci-gît Cioran et son épouse, la tête sans doute enfouie au plus près des “deux continents de la mort” tant révérés; reste : une férocité olympienne sous une dalle de marbre froid.

Matthieu Parlons.