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Les Noirs dans le cinéma hollywoodien, éternels seconds couteaux

La crème de la crème à Hollywood est-elle vraiment engagée contre le racisme ? À en croire ses films mainstream, non, pas toujours. Au cinéma, les personnages noirs ont la vie injustement –et inexplicablement ?– dure. Ils resteront des seconds rôles qui devront subir, toujours subir. Que ce soit face à des individus, des injustices, ou même des monstres, les Afro-américains (et parfois d’autres minorités mais cela est plus rare) resteront passifs ou malchanceux. Explications.

Passivité et triste sort

Dernièrement, c’est l’excellent Interstellar de Christopher Nolan qui a été victime de ce syndrome. Le Docteur Romilly interprété par David Gyasi passe 23 ans seul. Il reste dans une station spatiale à attendre ses coéquipiers (blancs), qui eux participent activement à l’intrigue. David Gyasi reste passif à tous les points de vue. Pendant ces 23 années, il ne fait que quelques recherches sur un trou noir aux alentours et profite du sommeil cryogénique pour faire passer le temps. Et, comme si cela ne suffisait pas, un robot (TARS) refait d’ailleurs son travail à la fin du film. Ajoutez à cela la triste fin du personnage : mise à part la création d’une intensité dramatique, sa mort ne sert à rien dans le déroulement de l’intrigue.

Triste sort qui reflète très bien celui de ses congénères dans la plupart des films américains. Comme le prouve la scène dans Pulp Fiction où Marsellus Wallace et Butch Coolidge, interprétés respectivement par Ving Rhames et Bruce Willis se font kidnapper. Butch Coolidge « par chance » est épargné, mais c’est bien Marsellus Wallace qui doit subir la fougue de ses ravisseurs. Et étrangement, c’est un personnage noir. Évidemment, ce film reste culte, mais il y a tout de même des questions à se poser… Surtout quand on sait que l’univers de Quentin Tarantino a été régulièrement sujet aux polémiques autour du racisme.

Dernier exemple, le cas des films Marvel qui se prédestinent au grand public. Dans X-men : First Class, Darwin est un mutant campé par Edi Cathegi, il meurt d’une façon très poétique et, visuellement, magnifique. Malheureusement, son décès sombre très vite dans l’oubli. Sa présence à l’écran, furtive, ne lui laisse pas l’occasion de camper un personnage attachant.

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Si ce n’est pas une règle absolue, ce principe est très utilisé dans les films américains dits mainstream. Il en est de même pour des oeuvres moins connues et plus caricaturales,  La vengeance par le feu, lors la scène du braquage et Starship Troopers en sont de parfaits exemples. Le plus inquiétant reste toute de même que ces dispositifs n’ont le plus souvent aucune justification scénaristique ou dramaturgique. Pourtant, les réalisateurs cités dans cet article n’ont pas l’intention de faire des films racistes. Mais dans ce cas pourquoi montrer les Noirs sous leur plus mauvais jour?

Présents mais loin d’être importants

Il n’y a que très peu de communiqués officiels sur ce sujet. Il faut donc analyser le comportement des producteurs. Il faut savoir que la communauté Afro-américaine représente 12% des habitants des États-Unis en 2010. C’est une minorité. Cela pourrait expliquer qu’ils aient si peu de rôles principaux, mais ça ne nous dit pas pour autant pourquoi le sort s’acharne contre eux dans la plupart des films où ils campent un second rôle.

Bien avant les années 1990, le public et la presse réclament plus de diversité ethnique dans les productions américaines. Le meilleur exemple est celui de la série Friends qui subit à l’époque de très nombreux reproches quant à l’absence de personnages noirs. Les producteurs créent donc le personnage de Charlie, la compagne de Ross. Arrivée assez brutalement, Charlie repart tout de même assez vite.

Le cas de Friends illustre la logique du système audiovisuel américain. On ne peut changer totalement un système si lucratif. Les acteurs Afro-américains ou autres doivent se contenter des seconds rôles. Ils sont donc présents, mais loin d’être importants. Ces personnages noirs seraient-ils placés dans tous ces films, parce qu’il le faut mais sans qu’on sache vraiment quoi faire d’eux ? On pourrait finir par y croire.

Assez rapidement, un autre concept fait son apparition. Le personnage noir aura un rôle secondaire mais il sera le supérieur hiérarchique du héros, ou son mentor (Lucius Fox dans la trilogie Batman, Amiral Anderson dans les jeux vidéo Mass Effect, ou encore Idris Elba dans Thor). C’est déjà ça, mais leur utilité reste encore très limitée. A vouloir imposer des acteurs noirs dans de tels rôles –ce qui est une juste cause- , le cinéma a fini par les rendre dispensables et parfois même risibles. Un bel effet pervers en somme.

Les minorités (africaines, asiatiques ou autres) n’accèdent que très rarement aux rôles principaux, au même titre que les femmes. Ce constat concerne essentiellement les films grand public américains, c’est-à-dire ceux qui façonnent notre enfance et donc nos systèmes de pensée.

Opportunisme ne rime pas avec racisme

Mais ne jetons pas la pierre à Hollywood, car ce système ne fait que suivre les réactions de son public..

L’exemple de Star Wars VII résume parfaitement la situation délicate des Majors américaines. Au mois de décembre, la première bande-annonce est diffusée. On y aperçoit un stormtrooper, un soldat noir pour la première fois. Les réactions n’ont pas traîné. Parmi elles, une vague d’incompréhension de la part des fans, mêlée parfois à des propos racistes. Si un rôle secondaire peut créer une polémique, imaginez un acteur noir en tête d’affiche. Hollywood ne peut se risquer à une telle déconvenue.

Hollywood n’est pas réputé pour ses prises de risques. Dans le doute, les producteurs préfèrent ne rien changer. Mais à l’heure où des blockbusters tels que Pacific Rim, Pompeii, Hercule ou John Carter peinent à s’imposer au box-office, cette idée est peut-être à envisager…

Le système hollywoodien n’est sans doute pas raciste, seulement opportuniste. Si les producteurs n’offrent pas de rôles plus conséquents aux Afro-américains, c’est parce qu’ils estiment que ces derniers ne sont pas vendeurs, ou plutôt pas assez, car pas assez intégrés au star-system. Ce que Ridley Scott a confirmé lors d’une interview pour répondre à la polémique autour de son film Exodus. Mais sur quoi ce jugement est-il fondé ? Mystère.

Dans ce système, on ne change pas une équipe qui gagne. Si une idée rapporte de l’argent, on la gardera jusqu’à ce qu’elle ne fonctionne plus. Le changement ne s’effectue que lorsqu’il est véritablement nécessaire. Comme ce fut le cas avec les super-héros. Au début, ils étaient souriants et sympathiques puis sont devenus de plus en plus sombres au point que certains sont à présent des anti-héros. Mieux encore, certains antagonistes auront prochainement le droit d’avoir leur propre film (Deadpool, Sucide Squad). Il fallait bien “déringardisé” le phénomène pour que le public ait toujours de l’intérêt pour ce genre.

Finalement, le cinéma hollywoodien n’est raciste qu’envers l’absence -éventuelle- de profit. La morale et l’éthique sont loin d’être des sources de revenus. Ainsi le cinéma ne peut évoluer que très difficilement vers une meilleure représentation de la minorité afro, car il est bloqué par ses acteurs mais aussi par son public qui, inconsciemment, l’incite à continuer dans cette voie.

Pierre Wincent

3 Commentaires

  • Posté le 5 March 2015 à 05:10 | Permalien

    Triste constat , pas a l’amiable du tout …!!! Mais je le contre signe …!!!

    • Posté le 14 March 2015 à 19:25 | Permalien

      Des acteurs afro-américains *

  • Posté le 14 March 2015 à 19:24 | Permalien

    En effet triste constat, mais il peut être faut-il tout de même souligner les films où des acteurs américains tiennent le premier rôle, même s’ils sont rares… Le cas de Will Smith dans “Men in Black” , “Hancock” ou “Je suis une légende” par exemple…?

    PS : Il fallait bien “déringardiseR” 🙂