PROFONDEURCHAMPS

Elena

Sorti en France le 7 mars dernier

Je n’avais jamais prêté attention au nom d’Andreï Zviaguintsev. Pourtant, avec Le retour (2003) et Le bannissement (2007), il semblait avoir fait ses preuves. Après avoir vu son dernier film, Elena, je ne referais plus cette erreur. Elena est un film surprenant. Il commence par un long plan, fixe, où rien ne bouge. Puis on remarque à l’arrière-plan, dans le flou, un oiseau. On voit aussi que la lumière change sur la vitre. Et on entend le silence.

Il sera là tout au long du film, ponctué simplement par des bruits de la vie quotidienne. Un interrupteur qu’on tourne, une porte qu’on ouvre puis referme, une voiture qui passe dans la rue, de l’eau qui coule dans un évier et, souvent, une télévision allumée. A quelques rares moments, une musique de fond se fait entendre. Des cordes, en nombre, qui accompagnent les moments cruciaux de l’intrigue – un long chemin vers une barre HLM, un trajet en voiture, une prise de décision.
Ce silence sert le film aussi bien que l’interprétation de Nadezhda Markina, impressionnante. On sent la lassitude dans tous ses gestes, dans sa façon de marcher, de se lever. Et puis arrive l’événement perturbateur qui change la dynamique de sa vie. Pour assurer à son fils – chômeur et assisté – et à sa famille une vie meilleure, elle prend rapidement une décision irrévocable. Et on sent très vite le changement qui s’opère en elle. D’ancienne infirmière et épouse fatiguée, elle se transforme en veuve noire déterminée. Pour protéger son petit, son fils, qui ne semble pas capable de prendre sa vie en main et de s’en sortir sans elle.
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Elena est aussi un film plein d’esthétique. Dans ses longs plans et dans son jeu sur la profondeur de champ sans mouvements de caméra, dans la mise en avant des couleurs, dans le constant équilibre entre l’ancien et le nouveau.
 Car c’est un film intemporel et ‘agéographique’. Mélange de vieux et de neuf, tant dans les vêtements que dans l’ameublement du grand appartement de l’époux, Vladimir. On y parle russe, certes, mais c’est une histoire universelle. Celle d’une lutte. Une lutte des classes, entre la vie dans un quartier chic et celle dans un immeuble de banlieue. Mais aussi et surtout la lutte et les sacrifices d’une mère pour que son enfant lui survive.
Bien sûr, si vous pouvez le voir dans une salle avec une isolation parfaite, sans les basses de Cloclo qui traversent la paroi, c’est encore mieux. Mais, vraiment, se déplacer pour voir Elena n’est pas du temps perdu.
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Camille Point