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Ressentis sur l’expérience vidéoludique au XXIe siècle (épisode 1)

Bienvenue à tous ! Nous allons traiter dans cette série d’articles d’un domaine (pas encore) culturel, mais en pleine expansion, le jeu vidéo !

Pour donner le ton de ce papier et de ceux qui vont suivre, il y a quelques éléments qu’il me tient à cœur de rappeler face aux encore trop nombreuses réactions que suscitent l’évocation du jeu vidéo :
« Ah, mais t’es un geek en fait ? » « Et la vie sociale, ça va ? » «  Pourquoi tu perds ton temps sur ces bêtises ? »
Donc si pour vous, quelqu’un qui joue aux jeux vidéo, c’est ça :
Eh bien, il est temps de faire une mise à jour système pour reformater la carte mémoire : le jeu vidéo représente un champ de création immense en même temps qu’un tout nouveau champ de pensée philosophique ainsi qu’un business industriel extrêmement rentable.
–   Aujourd’hui, créer un jeu vidéo AAA (destiné à la grande distribution, disposant d’un gros budget, et attendu par une communauté) coûte le même budget que de créer un blockbuster au cinéma.
–    La France compte 25,4 millions de gamers, soit 40% de la population, et plus de 80% des 8-10 ans disposent d’une console. Le marché du jeu vidéo en France représente 4 milliards d’euros en 2010.
–    Cette constatation en amène une autre : si il y a autant de gamers en France, c’est parce que le terme de « gamer » recoupe des réalités extrêmement différentes. Que vous jouiez sur votre smartphone, ou votre ordinateur, ou encore une console portable ou de salon, vous êtes un gamer. Pas le même genre de gamer, mais tout de même.
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Il est donc temps de mettre un terme à l’idée que les jeux vidéo sont un phénomène marginal pratiqués par une frange de la population, en se rappelant que les mêmes critiques furent adressées au cinéma à ses débuts. How ironic. Aujourd’hui, beaucoup de gens « jouent », demain tout le monde « jouera », même si l’on ne sait pas encore sous quelle forme.
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Toutefois, le but de cet article et des suivants n’est pas de dresser un état du marché du jeu vidéo en France ou dans le monde. En réalité, ce sera de tenter d’expliquer pourquoi et comment le jeu vidéo peut aspirer à devenir la nouvelle forme artistique de ce 21ème siècle, comme le fut le cinéma au 20ème.  J’aimerais m’en tenir à une définition de « artistique » et d’Art en général assez large : je choisirais donc de le définir comme « une œuvre qui crée une émotion que le spectateur cherche à renouveler ».
Créer de l’émotion chez un spectateur est un sport passionnant, qui demande d’emprunter à des domaines très variés, de se mettre à la place du spectateur pour se projeter dans son plaisir, de créer du nouveau à partir du connu,  d’anticiper sans fin les réactions attendues, tout cela grâce à la maîtrise d’une technique exigeante. Cela me rappelle la chronique incendiaire de Desproges sur un critique de spectacle qui eut le malheur d’écrire : « Ce spectacle n’a d’autre ambition que de nous faire rire ».
Le rire, comme les autres émotions, est le résultat d’un travail acharné et millimétré. Au cinéma, dans un spectacle, au théâtre ou dans la littérature et la musique. Eh bien, dans le jeu vidéo, c’est la même chose. Excepté le fait qu’il faille gérer une donnée entièrement nouvelle : l’interactivité. La figure connue du spectateur s’efface devant celle inconnue dujoueur.
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Le « monde du jeu vidéo» contient donc beaucoup de notions : hardcore/casual gamer, gameplay, scénario, art graphique, théories du fun, théories des jeux, game studies, moteurs physiques, aléa, vertige, mimétisme, rejouabilité, etc., qu’il est impossible de toutes évoquer dans un même article.
Voilà donc pourquoi je vous propose d’en faire plusieurs, pour modestement explorer l’intérieur de cette nouvelle machine à créer du rêve.
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Ivan Zucchelli