« Oh le beau jour encore que ça aura été ! ». Une promenade dans Paris pour profiter une fois de plus de ses expositions si variées – cette fois, mon choix se sera porté sur celle de Cézanne au musée du Luxembourg et celles du musée du Jeu de Paume. Une nouvelle occasion de profiter des richesses culturelles de la ville. Mais le clou de la journée aura bien été la pièce de théâtre à laquelle j’ai eu le plaisir d’assister.
« Oh les beaux jours » de Samuel Beckett se joue du 20 janvier au 29 mars au théâtre de la Madeleine, dans le 8èmearrondissement. Son actrice principale, Catherine Frot, y réalise une performance hors du commun : proche du monologue, elle clarifie par son jeu la complexité du texte de Beckett et nous entraîne avec elle dans une réflexion sur la déchéance, l’approche de la mort ainsi que sur le couple et sa difficile communication.
La pièce raconte l’histoire de Winnie, une femme qui s’enfonce à proprement parler dans une montagne de pierres. Elle peut de moins en moins s’y mouvoir. Malgré tout, elle lutte, et parle à n’en plus finir, comme pour conjurer le sort. Elle se parle à elle-même, et à son mari, Willie (incarné par Pierre Banderet), qui ne l’écoute presque plus, ne lui répond plus. L’immobilité s’empare d’elle et la fin est proche, mais elle continue à s’émerveiller de la vie et des beaux jours. Elle sort un à un les objets de son cabas noir : une brosse à dent, un miroir, un revolver, une ombrelle…  Autant d’objets qui sont au cœur de son existence. Rythmée par les sonneries du réveil et du coucher, la vie de Winnie n’est que répétitions, mais le personnage ne tombe pas dans le désespoir : Winnie veut profiter de ce qui lui reste, jusqu’à la fin.
Malgré des thématiques graves, le texte conserve l’humour et le style que l’on connaît à Beckett : déstructuré et poétique. Catherine Frot l’interprète avec force. Sa performance est d’autant plus exceptionnelle qu’elle n’a qu’une moitié de corps pour la réaliser, et même uniquement son visage pendant le deuxième acte. Une expression corporelle réduite qu’elle doit compenser par une diction irréprochable. Catherine Frot succède à de nombreuses grandes actrices, notamment Madeleine Renaud, qui avait joué le rôle de Winnie en 1963 dans la première représentation française de cette pièce.
En somme, si vous êtes sensible au théâtre de Beckett, cette mise en scène de Marc Paquien ne peut que vous plaire. A priori moins connue que En attendant Godot ou Fin de partie, la pièce Oh les beaux jours ne vous décevra pas et vous laissera songeur, face à cette réflexion profonde sur le sens – ou le non-sens – de la vie.
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Mona Pinzan
Un Commentaire
Merci de présenter et de recommander cette pièce. Effectivement, C. Frot propose une interprétation excellente et clarifiante d’un texte délicieux. C’est une ode aussi sombre qu’optimiste à la dégénérescence dans l’existence. Une pièce à mon avis bien plus vive et divertissante que d’autres oeuvres de Beckett, et particulièrement esthétique – d’autant que le décor, a priori épuré, a été plutôt bien imaginé par le metteur en scène. Un must-see pour tout amateur de la scène.