Loin du rock adolescent et de la classique « scène française », les Hushpuppies ont en trois albums créé un univers bien à eux, nourri de multiples inspirations et explosif en live. Loin de toute fragile notoriété commerciale, loin des radios « mainstream », ils ont conquis la critique et la plupart des grands festivals qui les accueillent chaque été. Leur dernier opus, the Bipolar Drift, plus mûr et abouti, confirme tout le caractère et la personnalité de ces Sudistes basés aujourd’hui à Paris. Entretien.
[caption id="attachment_844" align="aligncenter" width="640" caption="Crédit photo: Jean-Baptiste Millot"][/caption]Vous êtes cinq, ça fait beaucoup d’idées à la fois j’imagine, comment on condense les énergies de tout le monde sur un seul projet ? C’est démocratique d’ailleurs Hushpuppies ?
Effectivement, les Hushpuppies ça prend beaucoup d’énergie, beaucoup de directions possibles pour la composition. On a toujours fonctionné en processus très équitable, en essayant de tout faire ensemble et de contenter chaque membre du groupe dans l’écriture et dans l’image. Et ça marche bien avant tout parce qu’on est des amis, on se connaît, on sait les moments faciles ou difficiles. Ça nous demande pas beaucoup d’efforts, c’est plutôt une force qu’un défaut. Maintenant, plus récemment on a commencé à explorer d’autres façons de composer, en petits groupes, avec un processus dans lequel tout le monde est impliqué mais où l’on réduit les directions.
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Vous avez une réputation féroce en live, vous avez d’ailleurs beaucoup tourné, petites salles, gros festivals : une préférence ? Il y a des concerts qui vous ont marqué ? Ou des groupes qui vous inspirent en live ?
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On répond généralement qu’on a pas de préférences entre les deux. Ce sont pas deux métiers différents mais presque : il y a la proximité, la moiteur, la chaleur des petites salles de concerts que l’on ne retrouve pas dans les gros festivals. Mais un gros festival d’été reste quand même quelque chose d’extraordinaire pour faire du rock. Des concerts qui nous ont marqués, il y en a énormément : deux en particulier, les Eurockéennes de Belfort, il y a quelques années, et le premier concert en tête d’affiche à  la Cigale.
Pour ce qui est des groupes qui nous inspirent en live : la patate électro de LCD Soundsystem, le show très bien réglé des Hives, le son des Queens of the Stone Age, enfin il y en a énormément.
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Qu’est-ce qui est le plus épuisant : vos longues tournées ou les enregistrements d’albums ?
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A priori les tournées sont plus fatigantes. Enfin un musicien a sans doute besoin des deux pans de son activité pour vraiment kiffer. C’est « épuisant » de rester très longtemps concentré sur une production mais je ne sais pas si on peut utiliser ce mot-là en sachant que ça reste avant tout un énorme kiff, quoi.
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Parlons un peu de votre univers musical. Les influences : 60’s ? Ou du rock plus mainstream ?
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Les influences, c’est forcément compliqué de les résumer, vu qu’on est cinq. On a un batteur fana de rock très indépendant, très barré, qui a d’ailleurs un magasin de disques dans cet esprit ; un bassiste fana de psyché ; un guitariste plus rock classique, stoner. Après, on a vite évolué depuis nos premières influences freak beat, années 60 (les Who, les Kinks, les Small Faces) pour passer par des phases différentes du rock dansant new wave années 70 début 80 à la brit pop ou à certains mouvements hip-hop aussi. C’est quand même difficile de tout citer.
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Sur votre carrière, c’est quand le moment du boom ? Quand est-ce que ça a vraiment commencé à marcher ? Le truc s’est lancé grâce aux concerts ou grâce à une hype développée dans les médias ?
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Sur le premier album, on a senti, huit mois après la sortie et après les gros festivals, que le groupe avait acquis une nouvelle notoriété. On a de toute façon toujours été un groupe de live, le premier album était une extension de ce qu’on était capable de faire sur scène, des chansons qu’on trainait depuis quelque temps. Donc c’est parti de là , et puis par la suite, on a changé notre façon de faire.
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Ça fait quoi d’être la bande son d’une pub Mennen ? Un lien avec l’éclosion ?
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Passer dans une publicité, ça apporte peu d’écoutes donc pas de lien avec l’éclosion, non. Mais ça apporte pas mal d’argent et c’est important pour qu’un jeune groupe puisse tenir le coup. Après on est tous des enfants de la pub, donc ça ne nous choque pas de caser un titre comme ça.
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D’ailleurs vous vous sentez reconnu ? Peut-être que cela ne vous intéresse pas ? Groupies, vrais fans ?
Forcément, ça nous intéresse d’être reconnus, aimés, appréciés. On ne se rend pas bien compte. On a une base de vrais fans qui suivent l’actualité, viennent aux concerts. Auprès du grand public, Hushpuppies reste encore quelque chose de très flou. Mais je crois qu’on préfère tous dans le groupe un succès mesuré avec une vraie reconnaissance artistique plutôt qu’une grosse célébrité éphémère.
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Vous avez déjà écrit en français, ça vous chauffe pas plus que ça ? Pourquoi l’anglais ? J’imagine qu’on vous titille souvent avec ça.
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On ne répond plus à cette question posée des milliards de fois : la logique pour nous c’est que le rock ça se fait en anglais.
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Personnellement, j’ai commencé à vous écouter à genre quinze-seize ans, sur vos titres ultra efficaces dans le genre rock spontané ado, baby rock dans la fibre Arctic Monkeys. Vous aviez quel âge à l’époque ? C’est une image qu’on vous attache ? Vous savez auprès de quel public vous avez plutôt du succès ?
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C’était il y a quoi… six ans à peu près ? On avait déjà pas loin de la trentaine et on est passés à côté, heureusement, de cette scène parisienne qu’ils ont appelé baby-rock effectivement à l’époque. On ne s’est jamais beaucoup intégrés à cette scène-là , peu de concerts partagés avec les groupes phares type Naast et compagnie. Au niveau du public auprès duquel on a du succès : je vais te dire, aux concerts ça va de 7 à 77 ans… Vraiment. C’est-à -dire que si on a certes une frange de fans assez jeunes, ce sont aussi des personnes de tous âges qui viennent nous voir.
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Au contraire, le dernier album the Bipolar Drift voire certains titres sur le second, je pense à  Down Down Down, montrent que vous empruntez un chemin différent et super abouti. Vous explorez un nouvel univers ? Ou justement c’est ça l’univers Hushpuppies ? C’est quoi, plus mature ? C’est un nouveau virage ?
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C’est agréable d’entendre quelqu’un qui voit où on veut aller : effectivement, on essaie de faire évoluer le son du groupe vers quelque chose de plus mûr. De moins live aussi. C’est important de pouvoir toujours être fier de ce qu’on fait. Si on avait fait un troisième album dans la même veine, on se serait sérieusement lassé. Et puis encore une fois, malgré le nombre de cinq, on est assez d’accord sur l’évolution que l’on veut donner au groupe. Pour le prochain album, c’est encore difficile à dire, on ne sait pas trop quelle voie sera empruntée.
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Beaucoup de groupes rock ou au moins catégorisés rock s’attaquent depuis trois quatre ans à l’électro en se nourrissant très librement des claviers, de sons nouveaux, je pense à  Franz Ferdinand par exemple pour ne parler que des plus classiques. Vous avez un clavier, parfois quelques autres instruments utilisés par les DJs : c’est quelque chose qui vous attire ?
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Franz Ferdinand qui a toujours fait danser sans être électro, mais surtout LCD S. qui est un groupe finalement assez rock notamment en live mais qui utilise beaucoup d’astuces de l’électro, je pense que ce sont des choses vers lesquelles on a envie de tendre. C’est complexe à expliquer, l’évolution est naturelle parce que le son de notre époque tend vers ça, une musique plus fun et moins prise de tête. Et réussir à faire sourire et danser les gens avec une musique pas trop conne est finalement un sacré challenge et y’a assez peu de gens ou groupes qui y arrivent.
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Vous avez des projets à côté, genre quelqu’un joue parfois en solo, mixe, produit ?
Le batteur Franck  a un magasin de disque, notre clavier est ingé son dans la publicité, un bassiste est graphiste et a des projets solos : on a toujours été intéressés par la possibilité de faire autre chose, de toucher à d’autres types de sons. Ça permet des libertés, ça aère l’esprit dans un groupe de cinq personnes où il y a toujours le risque d’avoir l’impression de tourner en rond, de se lasser.
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Un petit classique : vous écoutez quoi en ce moment ?
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Alors le dernier Air, le dernier Black Keys (extraordinaire), the Jayhawks, Death in Vegas, Django Django, the Black Lips, the Horrors… c’est déjà pas mal pour un début.
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Une petite question pour le fun : vous venez de la province, du sud ; pour ou contre les boites de province ?
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On est bien sûr absolument pour, particulièrement les boîtes gay de province. Nombre, nombre de boîtes de nuits ont vu finir les Hushpuppies dans des états peu recommandables, dans des villes de toute la France et du monde.
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Une petite épreuve de torture pour terminer. Trois mots pour vous définir. Et trois mots que vous détestez entendre sur vous.
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Energie, liberté, choucroute. Rock français (je sais ça fait deux mots), et le troisième… choucroute !
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Entretien avec Cyrille, guitariste des Hushpuppies, réalisé par Maxime Briantais