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Don’t believe the hype

Elle n’a même pas 16 ans, un tatouage « Princess » à l’intérieur de sa lèvre inférieure, et a déjà fait des apparitions sur les ultra-branchés Stereogum et Gorilla vs. Bear. Il y a quelques jours, on parlait d’elle sur les téléchargements hebdomadaires des Inrocks et JD Beauvallet a déjà fait d’une de ses premières démos l’un de ses morceaux du jour.

[caption id="attachment_1672" align="aligncenter" width="640"] Os Géméos, Don’t believe the Hype, San Diego (Street Art)[/caption]
Kitty Pryde est un véritable petit phénomène. Qu’on aime ou déteste l’adolescente d’Orlando, qui s’est sans doute inspirée des Marvel comics pour son pseudo, on ne peut encore une fois que s’incliner devant la hype qui la porte depuis quelques semaines.
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Entre Uffie et Kreayshawn, deux artistes qui, déjà, créent de fortes réactions selon les goûts, le style de la Floridienne ne va pas chercher très loin mais suffit pour faire d’elle l’une des stars montantes d’Internet. Son premier titre, « Okay Cupid », dont elle vient de publier la vidéo a par ailleurs tout d’un titre de la protégée de Pedro Winter et de son label, Ed Banger, au point où l’on vient à se demander si ce n’est pas elle au micro à la première écoute.
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Et toute cette hype ne risque pas de s’arrêter. Kitty Pryde vient de sortir son premier maxi, qui contient une reprise de l’immonde « Call me Maybe » de Carly Rae Jepsen, sobrement intitulé « give me scabies », oui, littéralement, « file-moi la gale ». Il est disponible sur son bandcamp pour la modeste contribution d’un dollar ou contre un rapide tour sur Mediafire (dont elle donne elle-même le lien), et les torrents. Cinq morceaux qui risquent de finir de convaincre de la détester ou de voir en elle le futur d’un rap lancinant et adolescent marqué par une production aux fortes influences électro.
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La dernière à avoir suscité autant de réactions, ou à voir en tout cas autant clivé ces derniers mois reste néanmoins Lana Del Rey. Reine de l’indie en juillet, humiliée et jetée aux chiens en janvier, le parcours de Lizzy Grant n’a rien d’un long fleuve tranquille. Son « Video Games » avait tout d’abord eu l’effet d’une petite bombe.
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Production épurée, voix exceptionnelle, en un morceau, LDR venait d’être proclamée reine de l’indie pour les cent ans qui viennent. Les morceau suivants, « Blue Jeans », ou ceux déjà postés quelques temps plus tôt comme « Diet Mtn Dew » finissaient de convaincre les quelques derniers indécis pas encore convaincus par la jeune Américaine. Ajouter à cela l’esthétique 60s et celle des Tumblr et la nouvelle égérie hipster avait, avant même la sortie physique d’un premier EP ou même d’un album, le monde de la musique à ses pieds.
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Mais, encore une fois, la hype a porté quelqu’un trop vite, trop haut, trop fort et la chute n’en a été que plus violente. Si « Born to Die », le single qui annonçait l’album a été reçu unanimement comme une véritable pépite, le mythe LDR a commencé à s’effriter au fur et à mesure que la supercherie indie se dévoilait. Signature chez le mastodonte Interscope, contrat de mannequinat, et accusations de plagiat ne préparaient pas au mieux la sortie de l’album.
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Après une prestation calamiteuse au SNL, quelques jours avant la sortie physique du disque, Stereogum fut le premier à frapper en dévoilant son premier aperçu de l’opus de Lana Del Rey. Pitchfork, Rolling Stone, le New York Times et les autres suivent. « Born to Die », son premier album est surproduit à l’image de « Diet Mtn Dew », revu pour l’occasion et pillé de ce qui faisait tout son charme.
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Alors, on n’ira sans doute pas plaindre Lizzy qui a sorti l’un des albums les plus rentables de l’année et qui s’est installée comme l’une des valeurs sûres des dix prochaines années, mais reste que pour beaucoup, c’est une véritable perte.
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A force de vouloir être les premiers sur tout, de vouloir créer des relèves aux Beatles ou aux Stones avant même la sortie d’un premier album ou la confirmation du deuxième, l’industrie de la musique risque de voir ses groupes se casser les dents les uns après les autres au moment de la révélation des nouveaux morceaux. Des dizaines de blogs tentent chaque jour de mettre en lumière leur petite découverte, quitte à jouer la surenchère et faire au final plus de mal que de bien à des petits groupes que l’on voit trop grand, trop vite et qui après à peine une ou deux démos reçoivent la même exposition que des monuments comme LCD Soundsystem. L’exemple des Black Lips n’en est alors que plus flagrant. Portés aux nues par les blogs, Pitchfork en tête, ils se font descendre lors d’une première critique de l’album avec un 0.0, ensuite remonté à 3.3, et alors ce seul commentaire : « Sorry:-/ ». Leur second maxi n’a depuis reçu que peu d’attention.
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Pourtant la hype peut parfois avoir du bon. Retour en 2005, un petit groupe d’Anglais balancent démos sur démos sur MySpace, et devient la première révélation de l’Internet, avant d’enregistrer la plus grosse vente d’albums en une semaine de l’histoire du Royaume, avec 360.000 copies vendues entre le 23 et le 30 janvier 2006 malgré les premières fuites sur les réseaux P2P. Adulés, les Arctic Monkeys ont depuis confirmé avec « Favourite Worst Nightmare » avant de changer de cap avec « Humbug » et « Suck it and See ». Aujourd’hui, les Monkeys en sont à quatre albums et quatre réussites. Pas mal pour le groupe d’Alex Turner qui avant de jouer « I Bet You Look Good on the Dancefloor » lors d’un live enregistré pour MTV clamait : « Don’t believe the hype ».
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Grégor Brandy