Après presque vingt ans d’existence et sept albums dans un genre – le post-rock – dont ils ont été les précurseurs et dont ils sont aujourd’hui les doyens, ces cinq écossais ont déroulé avec talent le câble jack de leur mythique épopée. De retour sur le devant de la scène il y a quelques mois avec la bande-originale de la série française Les Revenants, le groupe Mogwai, en la personne de son guitariste et fondateur Stuart Braithwaite, nous a accordé un court entretien. Rencontre avec la légende.
Votre musique est la plupart de temps qualifiée de post-rock (ndlr : longues chansons instrumentales et expérimentales), un genre dont vous êtes à la fois les représentants et les doyens. Comment en êtes-vous venus à jouer ce genre de musique ? Et que pensez-vous de ce mot quelque peu obscur, post-rock ?
Honnêtement, le groupe existait depuis quelques années avant qu’on entende cette expression. Nous n’avons donc pas décidé « consciemment » de jouer du post-rock. Au départ, ce terme était utilisé pour décrire du rock ésotérique, plus doux, mais son usage s’est rapidement étendu à des groupes aussi différents que Tortoise ou Mogwai. A vrai dire, on n’essaye jamais de ressembler à tel ou tel « type » de musique, on essaye juste de « faire » de la musique.
Du coup, quelle est la formule la moins « qualifiante » pour décrire Mogwai ?
Nous sommes un groupe de rock, tout simplement !
Que pensez-vous des autres grands groupes de post-rock tels que Godspeed You! Black Emperor, Explosions in the Sky ou This Will Destroy You, pour ne citer qu’eux ? Pensez-vous faire partie d’une « scène » post-rock ?
Je ne sais pas si nous faisons partie d’une « scène » à proprement parler, mais nous connaissons en effet très bien certains des groupes que tu as cité : Explosions in the Sky sont de très bons amis par exemple ; Godspeed! You Black Emperor est un groupe incroyable et ce sont des personnes adorables.
Votre musique est principalement instrumentale, or vous ne semblez pas donner une grande importance aux titres de vos chansons (souvent très étranges tels que I’m Jim Morrison, I’m Dead, Stupid Prick Gets Chased by the Police and Loses His Slut Girlfriend ou encore Punk Rock/Puff Daddy/ANʇICHRISʇ) ou même au nom de votre groupe (vous avez même déclaré que « Mogwai » n’avait pas de signification particulière). Pourquoi un tel choix alors qu’on connaît l’importance de la symbolique et de l’imaginaire en musique ?
Je ne suis pas d’accord, je pense qu’on fait attention aux titres de nos chansons, c’est juste qu’on ne prend pas la chose très au sérieux. Ces titres, aussi étranges qu’ils puissent paraître, reflètent plus nos personnalités que les chansons auxquelles ils sont associés. C’est une juxtaposition qui nous amuse.
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D’ailleurs, pourquoi ce choix d’une musique purement instrumentale ?
Tout cela s’est fait très simplement, très naturellement. En fait, quand on a commencé le groupe, on avait pas mal de chansons avec du chant mais celles qui étaient instrumentales étaient bien mieux. Du coup on a persévéré dans cette voie.
Revenons-en au commencement. Comment votre groupe a-t-il commencé ? Et qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas réussi dans la musique ?
Dominic (ndlr : Dominic Aitchison, bassiste du groupe) et moi-même voulions vraiment commencer un groupe, donc on a simplement demandé à des gens autour de nous de rejoindre le projet et nous voici, presque vingt ans plus tard, toujours dans le même groupe. Ce que nous aurions fait si la musique n’avait pas marché ? Je serais probablement professeur de guitare, ou bien je travaillerais chez un disquaire. Pour les autres, difficile à dire, probablement chef-cuisinier ou vagabond (rires) !
Après presque vingt ans d’existence musicale, que pensez-vous de la façon dont la musique a évolué aujourd’hui ?
Je n’ai pas le pessimisme ou le passéisme de certains. Je me sens bien dans le monde musical tel qu’il est aujourd’hui. Il y a et il y a toujours eu de la bonne musique comme il y en a eu de la moins bonne. Il suffit juste de savoir chercher et regarder au bon endroit.
Vous venez de composer et sortir la bande-originale de la nouvelle série de Canal+, Les Revenants. Comment cette collaboration s’est elle concrétisée ? Vous semblez d’ailleurs avoir un certain attachement à la France, puisque vous aviez déjà fait la BO du film Zidane, un portrait du XXIe siècle.
Fabrice Gobert, le créateur de la série (ndlr : qui avait travaillé avec le groupe Sonic Youth pour la bande-originale de son film Simon Werner a disparu…), nous a demandé d’écrire la musique et nous avons accepté. Oui, c’est vrai, nous aimons beaucoup la France. Ça doit sûrement remonter aux Jacobins du XVIème siècle (rires).
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Ce travail d’écriture de musique autour d’un film vous aide-t-il à renouveler votre musique, à l’aborder différemment ?
La bande-originale est un travail qui nous semble en effet assez naturel, même si c’est un exercice qui demande beaucoup de concentration et de « projection » dans l’univers du cinéaste. Mais c’est un sentiment incroyable quand la musique fonctionne bien avec les images.
Dans la BO des Revenants, vous avez fait une reprise magnifique du classique de blues What Are They Doing In Heaven Today ? (avec un chant qui n’est pas sans rappeler la voix de Jason Pierce de Spiritualized). C’est un grand écart complet par rapport au son traditionnel de Mogwai, comment vous est venue cette idée ?
Au départ, j’avais enregistré cette chanson pour un disque en hommage à Jack Rose (ndlr : guitariste américain mort en 2009) mais elle n’a pas été utilisée pour ce projet. Du coup, je l’avais à tout hasard envoyée aux producteurs des Revenants et ils ont tout de suite voulu l’utiliser pour la BO. Je ne pense pas essayer de chanter comme Jason Pierce (rires) ! Je pense que la ressemblance vient du fait que nous avons tous les deux des voix qui portent assez peu.
Après 22 ans d’absence, une de vos influences principales, My Bloody Valentine, vient de refaire surface avec un nouvel album. Vous l’avez écouté ? Vous avez d’ailleurs en commun avec ce groupe de jouer particulièrement fort sur scène. Est-ce emprunté à MBV ?
Leur nouvel album est excellent, surtout les trois dernières chansons. Et en effet, les voir jouer en live, tout comme ça a été le cas avec Spectrum, m’a clairement donné envie de jouer très, très fort. L’expérience musicale en est décuplée. La donne change totalement car tu peux à la fois entendre mais aussi ressentir cette musique.
Entretien réalisé par Paul Grunelius