Après New York, c’est à Paris que je viens prendre la température dans les salles de concert. Fini le loft à Brooklyn, il paraît que ça groove pas mal du côté d’Oberkampf.
 L’été et son lot de festivals sont passés par là : Peacock, Weather, We love green, Fnac Live, Festival soirs d’été, Rock en Seine … Il y en a eu pour tous les goûts dans la capitale française. Mais posons-nous un peu et revenons sur trois concerts SUBLIMES de cette saison printemps-été 2014 à Paris.
BRNS _ La fascinante pop venue de Belgique (mai 2014)
Le Point Ephémère a quelque chose de très brooklynien : les gens, les graffitis, l’ambiance, … Ce soir, la tête d’affiche avait elle aussi toutes les qualités d’un groupe de Brooklyn, mais le voyage fut moins long pour le quatuor : Paris-Bruxelles, 1h22 en TGV (La SNCF vous souhaite un agréable voyage). Ils sont un peu à la maison et on les accueille à bras ouverts.
L’ambiance est électrique, la salle, bondée. Le premier groupe, Piano Chat, est en fait constitué d’un mec tout seul avec sa guitare. Malgré un début de concert me laissant un peu perplexe, le jeune homme finit par prendre ses aises et assure le show, jusqu’à conquérir un public qui ne s’attendait vraiment pas à un résultat aussi torturé, mais finalement très captivant. Il expérimente, tâtonne, mais manie toujours à la perfection beat, loop et riff à lui tout seul, jusqu’à obtenir des morceaux puissants et prenants.
Après une longue attente dans l’atmosphère suffocante du Point Ephémère, les quatre énergumènes belges arrivent sur scène et prennent place sur le devant de l’estrade. La batterie est stratégiquement mise en avant pour mettre en valeur le chanteur du groupe, qui est aussi le batteur. Assez rare pour être souligné. Jusqu’au fameux, et délicieux morceau « Mexico », qui avait fait connaître le groupe en 2012, les musiques s’enchaînent avec linéarité et efficacité. Pas très énergique, mais suffisamment planant pour vous transporter. Beaucoup de nouveaux morceaux sont joués par le groupe ce soir là , et je n’ai donc pas le plaisir de pouvoir hurler les paroles. Le groupe reste fidèle à lui-même du début à la fin, et le style BRNS est à son paroxysme : pop lente et triturée, et pourtant joyeuse à la fois. Un concentré de contrastes qui nous force à stopper toute réflexion pour se focaliser sur les instruments, le son, la musique. Un peu comme si nos pieds ne touchaient plus le sol, que les gens autour de nous étaient flous, loin et pourtant si proches. Je ne saurais pas vraiment dire quelles chansons sortaient du lot, tant pour moi les morceaux se ressemblaient, tout en ayant la particularité de ne jamais décevoir. Mais ce qui est sûr, c’est que BRNS a bel et bien envoûté la salle du Point Ephémère, avec une facilité et une aisance déconcertantes pour un groupe encore tout jeune. Il faudra du temps aux spectateurs pour s’extirper de leur torpeur et de la moiteur ambiante, avant de retrouver au dehors l’air frais du canal Saint Martin.
Arcade Fire _ Sous les arcades, le feu (juin 2014)
Je ne sais pas si vous avez compris mon (mauvais) jeu de mots mais oui, Win Butler et ses acolytes ont bien mis le feu deux fois d’affilée à la salle du Zénith. La première fois, de « faux » Daft Punk sont apparemment venus jouer les trublions durant le show bien structuré du groupe canadien. Mais je n’ai pas eu la chance d’assister à ce petit lynchage du groupe casqué, n’ayant pu obtenir des places que pour le deuxième jour. L’engouement suscité par le groupe n’a jamais été aussi immense que depuis la sortie de leur dernier album très attendu « Reflektor ». Et ils n’ont pas déçu. Même sur scène, ils ont su tenir le public en haleine du début à la fin. Un show à l’américaine pourrait-on dire.
Je ne tiens pas en place, tant Arcade est le groupe de l’année 2014 que je désirais le plus voir à l’oeuvre sur scène. Après les avoir ratés à New York, me voilà impeccablement bien placée devant l’estrade du Zénith de la Villette. La première partie, aux allures de tribu africaine, a du mal à s’imposer, tant l’excitation de voir apparaître la troupe de Win Butler et Régine Chassagne est grande : l’attente semble interminable. A chaque souffle, à chaque mouvement sur le côté de la scène, à chaque bruit perçu, les spectateurs trépignent et sifflent dans l’espoir d’accueillir les nombreux musiciens du groupe. Il faudra un peu de temps avant que les désormais célèbres têtes en papier mâché débarquent et commencent à entamer le fameux « Rebellion (Lies) ». Est-ce vraiment les musiciens d’Arcade Fire jouant face à nous, cachés sous leurs masques surdimensionnés ? Impossible d’en avoir la certitude, quoiqu’il en soit le décollage est immédiat. Après avoir viré de la scène les imposteurs masqués, les joyeux compères prennent place et nous délivrent un concert sublimement préparé, ne nous laissant jamais le temps de reprendre notre souffle. Chaque chanson est connue de tous, chaque air est entonné par la salle entière. Sur scène émane un esprit de fête, une communion entre les 7 musiciens. Lorsque résonne la chanson « Afterlife », le public est définitivement en transe. Le leader Win Butler est fidèle à lui-même : confiant, à l’aise, presque hautain. Régine Chassagne, la seule membre féminine du groupe, alterne entre chant, tambourin, synthé, guitare, et même batterie, avec enthousiasme et légèreté. De nombreux miroirs sont disposés tout autour de la scène, cernant les musiciens, reflétant leurs moindres faits et gestes. That’s the Reflektor tour. Soudain, une pluie de confettis explose au dessus de nos têtes. Et ce n’est même pas encore la fin du concert. Preuve que le groupe a la capacité de nous surprendre à tout moment. Chose (re)faite un peu plus tard, avec l’apparition d’un nouveau « faux groupe » masqué, au centre de la salle cette fois. Torticolis assuré avec cet aller-retour éreintant entre la scène devant nous et la scène improvisée au centre du Zénith. Ne voulant pas perdre une seule seconde de ce double concert, il me faut faire preuve d’une grande dextérité afin d’avoir une vue imprenable sur les deux fronts.
1h30 de concert, voilà le rappel. C’est reparti pour cinq chansons, au plus grand plaisir des spectateurs ébahis par tant d’énergie délivrée durant 2h d’affilée. Nous aurons même droit à quelques notes d’ « Entertainement » de Phoenix. Daft Punk le premier jour, Phoenix le deuxième : Arcade Fire nous a résumé en deux soirs les succès français du moment à l’international. Le dernier morceau joué sera « Wake up ». Comme si les deux heures de concert ne nous fatiguaient pas assez, le groupe nous ordonne de nous réveiller. Ils pourront compter sur le public du Zénith pour scander les paroles jusqu’aux toutes dernières notes jouées. Même après le départ des canadiens, les mélodies sont dans toutes les têtes. Ça y est, j’ai assisté au show du plus incroyable groupe du moment…
The Rolling Stones _ Les Survivors (juin 2014)
Les mecs sont toujours au top. Voilà ce que l’on pourra retenir du concert parisien des Papys du rock au Stade de France. Quelques rides et cheveux blancs sont venus entacher les belles gueules de Mick, Keith, Ron et Charlie mais qu’importe puisque la pêche et l’envie sont toujours là . Il n’est ici pas question de planer, mais définitivement de mettre le feu au Stade. Ma place ne me permet pas vraiment d’avoir une vue imprenable sur la scène, mais je suis devant des légendes vivantes du rock, là , juste à … quelques milliers de personnes devant moi. On va pas trop se plaindre.
Pas facile de jouer en première partie des Stones : le groupe paraît toujours un peu fade. Le boys band des Struts n’a pas échappé à la règle. Heureusement, Mick et sa sublime veste verte à paillettes sont vite venus faire oublier tout ça, en quelques déhanchés dont lui seul semble avoir le secret. Lorsque les premières notes de «Jumpin’ Jack Flash » résonnent, c’est tout un stade, et des générations entières, qui se mettent à vibrer. Un show impeccable, une garde-robe bien kitsch pour Mick, un Charlie Watts serein derrière sa batterie, un Keith Richards toujours autant marqué par les excès en tout genre… : les Pierres qui roulent ne déçoivent pas, et mieux, nous entrainent dans leur sillage vers le sommet du rock’n’roll. « Paint it black » ne viendra jamais, à mon grand désarroi, mais l’enchainement de « Miss you », « Gimme Shelter », « Start me up » et enfin « Sympathy for the devil » est sûrement la partie la plus jouissive du concert. Bikers au cÅ“ur tendre et jeunes rebelles sont sur la même longueur d’onde. Les paroles sont entonnées dans un anglais approximatif mais le cÅ“ur et les tripes y sont tellement qu’on ne peut en vouloir à personne, même pas au voisin hurlant dans nos oreilles, persuadé d’être bilingue. Mick continue son festival de vestes à paillettes jusqu’à finir en sexy tee shirt noir moulant, tout en enchaînant les chansons avec ardeur, audace et endurance. Le spectacle est fou, la scène en impose, les faisceaux de lumière jaillissent de toutes parts, et les écrans géants nous permettent de scruter les moindres grimaces des membres du groupe. L’apothéose arrive bientôt avec « (I can’t get no) satisfaction », jouée après le rappel. C’est le clou du spectacle, les voix ne font plus qu’une, et la rage des Papys du rock est toujours palpable.
Quelques minutes plus tard, la scène du Stade de France laisse filer les quatre infatigables, qui s’envolent probablement vers un nouveau pays, pour un nouveau show monumental. Les esprits ont du mal à se calmer : la quintessence du rock’n’roll était là sous nos yeux, et l’état de transe fut permanent. L’ascenseur émotionnel est rude. En tout cas, ils avaient l’air sympa les quatre anciens sur scène, on les aurait bien invités à prendre une bière.
Lauren Georges
Un Commentaire
Je ne comprends pas comment on peux décrire les Rolling Stones comme “la quintessence du rock’n’roll” quand on paye 150 € la place. On parle bien d’un groupe qui écrivait des chansons contestataires il y a 40 ans encore?