Jean-Benoît Dunckel est membre du duo « AIR ». Zoom sur la musique et l’électronique. Entretien avec Nicolas Grenier, écrivain et poète.
Quel est le premier souvenir musical de votre existence ? En quoi vous a-t-il marqué ?
J’ai été initié à la musique classique très tôt par ma mère. Donc des souvenirs de déchiffrage de partition. Aussi j’aimais regarder les émissions de rock à la télé. J’avais été fasciné par un extrait des concerts des Beatles en noir et blanc.
Votre univers musical semble probablement influencé par les romans de science-fiction et la littérature anglo-saxonne. Quels livres ont été des « phares » durant votre jeunesse ? Et pourquoi ?
Dune, les romans de Ray Bradbury, Philippe K. Dick, Star Wars, Star Trek… J’ai surtout adoré lire Boris Vian et son surréalisme léger.
Jean-Benoît Dunckel au Teatro La Cupula à Santiago (Chili), en live (2010).
« Air » (1951) est le titre d’un recueil de poèmes d’André du Bouchet. Pour Gaston Bachelard, c’est également un essai « L’Air et les Songes » (1943). Vraiment, la réflexion sur l’esthétique de ces deux grands esprits correspond à votre univers. Pour votre groupe, vous avez choisi un vocable si aérien, peu terrien, presque « extra-terrien ». En clair, tout s’éclaire d’éclairs : pourquoi « AIR » ?
C’est une marque, un nom qui claque, un bel esprit frais, ce mot décolle et fait rêver, c’est une clef pour imaginer des sons et cela nous a plus.
Je sais votre intérêt pour la musique classique et contemporaine, d’un côté on peut citer l’œuvre de Claude Debussy, de l’autre Philip Glass. Dans quelle mesure ce style de musique influence-t-il votre méthode pour composer ?
Je pense que les harmonies des deux nous influencent. Cela nous donne un bel exemple de ce que la connaissance des différents accords et leurs renversements peuvent offrir. On y a été très sensible. La musique française du début du XXe est pour moi le top du top. J’aime l’art nouveau aussi.
Pour aller plus avant, de quelle façon êtes-vous intéressé par la musique concrète, née avec Pierre Schaeffer, et la musique traditionnelle japonaise, comme votre formation utilise parfois des instruments à cordes, tels que le shamisen et le koto ?
Je ne suis pas trop intéressé par les harmonies, mais plutôt par la musique concrète en général, par les textures sonores qu’elle apporte. La musique japonaise cultive le zen et un certain état d’apesanteur dont on s’est servi. Dans ce sens, le plus grand musicien de tous les temps pour moi est Olivier Messiaen.
Vos paroles font toujours preuve de minimalisme, à l’image d’un haïku, d’un mantra, d’un mandala, comme une formule magique. Pouvez-vous nous expliquer ce parti pris esthétique ?
C’est surtout parce que je ne sais pas trop quoi raconter d’intéressant, et par souci de minimiser les âneries que je pourrais exposer dans un anglais très moyen. Il y a des mots qui font rêver aussi ; on les combine entre eux pour faire de jolis sons.
Vous avez fait des concerts dans le monde entier, sur quatre continents. Vous devez ressentir des choses extraordinaires, quand vous faites vibrer en live le cœur de milliers de spectateurs. Je ne pense pas qu’un poème ait une telle force pour transporter les foules. Vous le savez, à chaque concert, tout artiste laisse un souvenir intime à vie dans l’existence d’un être humain. En tant que musicien, quel est votre plus beau souvenir personnel sur scène face au public ?
Le Hollywood Bowl de L.A en 2004. On a joué devant tout Hollywood. Avec un orchestre philarmonique. Au coucher du soleil.
Le Hollywood Bowl à Los Angeles, 1970.
Quel(s) est (sont) le(s) synthétiseur(s), sur le(s)quel(s) vous aimez jouer pour votre plaisir ? Et pourquoi ?
Les Japonais : Roland, Korg. Les Américains : Moog. La musique électronique est japonaise techniquement. Ce sont des fins ingénieurs qui me fascinent. Je préfère leurs synthés que leurs usines nucléaires. Les nôtres m’ont l’air tout aussi instables mais il y a moins de tremblements de terre en France.
La musique, c’est un vrai sacerdoce. Elle fait corps et âme avec votre corps. Quand vous êtes loin de cette musique, pouvez-vous nous parler de la passion ou des passions qui vous anime(nt)…
Au-delà des passions amoureuses qui m’inspirent au fur et à mesure qu’elles me troublent, j’ai une passion pour le cinéma. Je ne pense être assez mature organisé et intelligent pour faire un film mais j’adorerais essayer. C’est le côté budget qui fait peur. Ce serait un film avec de belles femmes et des moments de lâcher prise. Un film qui raconterait une fuite d’un personnage pour un monde meilleur. Un truc comme ça.
Entretien réalisé par Nicolas Grenier