« La voix est le principal témoin de nos émotions, du premier cri jusqu’au dernier souffle qui demeure un son, jusqu’au silence particulier qui règne après la mort »
(“Il était un piano noir”  – Barbara – 1998 Editions Fayard)
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Peu de choses, je veux dire peu de choses dans toutes les choses du monde, se font écho d’une si profonde et cotonneuse énigme, et vibrent si ardemment, toujours au bord de la brisure comme le fait le cristal ; peu de choses dégagent une beauté si précaire, si perchée, que l’on s’inquiète de la voir tomber de sa sublime suspension ; oui, rares sont les choses sur terre qui nous englobent, tout entiers, comme un drap blanc chauffé au soleil, rares sont ces choses qui se placent au-delà du soupçon, et n’existent que de leur totale et inaltérable pureté. Rares sont ces choses comme la voix de Barbara.
Tout particulièrement cette voix d’avant la maladie et l’épuisement, cette voix d’eau de roche, celle des années 1960. Car elle atteint sans doute des sommets inaccessibles. Mais ce qui m’émeut toujours, et profondément, c’est que ce timbre, ce phrasé sont ceux de la réconciliation, dans tous les sens du mot, avec l’ennemi ou le passé, avec la vie, avec les autres comme avec soi-même, ceux de la bienveillance et de l’apaisement.
Par quel miracle, cette façon d’articuler les mots, ce petit accent désuet et ces variations d’intensité dans la voix, retranscrivent-ils le mal de vivre, dans la chanson du même nom, nous en faisant presque entendre la voix morne ? D’abord, les phrases virevoltent, timides, insidieuses comme le malheur qui vient, comme ce petit nœud dans le ventre au matin, à l’heure d’affronter la vie. Puis elle le dit, elle le sanglote : « ce mal de vivre, ce mal de vivre, que l’on doit vivre, vaille que vivre ». Il y a là , dans cette répétition du verbe, dans ce claquement sur le –a de mal, les blessures des nuits interminables, la bienveillance et l’empathie de celle qui sait. Puis, sans prévenir, par un changement presque imperceptible de la voix, le mal se transforme en joie de vivre. Dits par Barbara, les mots résonnent sur le mode de ce qu’ils signifient, le « mal » est dur, la « joie » est suave ; prononcés par la même voix, si proches et si opposés à la fois, comme ce qu’ils décrivent. Car, quoi de plus voisin du bonheur que le malheur? Et la chanson se termine sur un « dilalala » qui semble concentrer la joie de vivre de ceux qui ne l’ont pas toujours connue, le fredonnement de celle qui en est revenue.
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Dans ces trois chansons, auxquelles j’aurais pu ajouter, pêle-mêle, « La Solitude », « L’Aigle noir », ou « Si la photo est bonne »,  la voix de Barbara est bien la mélodie de son âme ; pour cela, sans doute, elle nous bouleverse encore de son absolue vérité.
2 Commentaires
Un bel hommage à cette grande dame. C’est émouvant, bouleversant. Merci.
C’est terrible et poignant, ce témoignage!