Depuis quelques jours, les Folies Bergère accueillent la fameuse compagnie argentine, Tango Pasión, à l’occasion de son vingtième anniversaire. Tout au long d’un spectacle de deux heures, six couples de tangueros livrent, accompagnés d’un orchestre virtuose (piano, bandonéon, violon et contrebasse), une performance scénique impressionnante.

La force de la mise en scène tient beaucoup au découpage du show en deux parties. Dans un premier temps, la troupe rend hommage au tango des bas-fonds, celui de la Boca des années 40, où l’on entendrait presque la voix chevrotante de Carlos Gardel ; puis, après l’entracte, les costumes et les chorégraphies se modernisent, pour donner un tango acrobatique contemporain tout à fait différent de la tradition portègne la plus pure.

Le spectacle est, disons-le, avant tout une performance de danseurs : leur maîtrise technique est irréprochable, totalement vertigineuse par moments.

C’est là la force comme la limite de « Tango Pasión » : le bandonéon qui virevolte sur des rythmes endiablés, la cadence infernale de la mise en scène et l’interprétation sans failles de standards argentins par une chanteuse-performeuse sont autant de barrières à la naissance de l’émotion. On ne retrouve jamais, dans ce spectacle, la mélancolie, la très profonde blessure qui fit naître le tango. Trop parfaite, donc trop lisse, la représentation ne laisse aucune place à la fêlure. On n’y retrouve pas cette atmosphère poisseuse et triste de la milonga de Buenos Aires.

Un show irréprochable, certes. Mais désincarné.

La rédaction.