Couleurs mixtes, 2012 –Â Peintures, pastels, crayons de couleurs, encres –Â 17,7 x 25,3 cm
Adélaïde de Saint Marc est étudiante en troisième année à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris. Lors de notre rencontre, elle m’a parlé de son travail au sein de l’atelier de Dominique Gauthier. J’ai découvert la richesse de sa créativité, sa sensibilité aux couleurs et sa technique très aboutie et personnelle au fusain – médium dont la capacité à rendre les détails et l’adaptabilité aux différentes surfaces m’ont impressionnée.
Cette maîtrise fascinante du dessin, Adélaïde l’a beaucoup exercée dans ses carnets. Des esquisses réalisées lors de visites, notamment au Musée Fragonard de Maisons-Alfort, en envahissent les pages. Elles ont pour modèles des minéraux, des ossements, des roches. Adélaïde explique s’intéresser à leur dimension ambigüe. Elle parvient en effet à jouer du pouvoir qu’ont ces objets de curiosité d’évoquer un imaginaire.
Dessin réalisé au Musée Fragonard, 2013 – 28x43cm
Par son utilisation minutieuse du dessin, l’artiste révèle toutes les aspérités de cet ossement qui devient un relief, un paysage abstrait: « De ces matériaux ressortent des images évoquant des mondes et des paysages abstraits », explique-t-elle. L’interprétation qu’Adélaïde fait de ces objets ouvre un espace inédit d’exploration pour le spectateur.
Le spectateur, justement, occupe une place centrale dans sa démarche artistique : « Je cherche à imaginer un paysage dans lequel le spectateur peut circuler et explorer ».  Ce dernier prend part à la création. Il faut ainsi inclure son point de vue entre les traits du fusain et ceux du pinceau, prendre en compte sa perception de l’espace et déstabiliser sa vision formatée du réel.
En cela, les séries Territoires et Paysages imaginaires mettent parfaitement en œuvre cette tension entre un espace réel et identifiable, comme un paysage de montagne ou une forêt, et une vision intérieure irrationnelle de la nature.
Territoires, 2011 – Fusain sur papier – 75×110 cm
Ce dessin semble nous montrer un paysage de reliefs montagneux surplombés de végétation, fortement inspiré des vallées représentées dans les estampes japonaises. Le trait presque sinisant accentue ce rapprochement avec les techniques graphiques extrême-orientales. Pourtant, la nature que dépeint Adélaïde franchit constamment les frontières du réel pour entrer dans le champ de l’abstraction. La composition de ces paysages tend vers l’irrationnel pour, encore une fois, solliciter l’imagination du spectateur.
Adélaïde de Saint Marc poursuit son travail au fusain en le confrontant à la peinture et la couleur. Elle a ainsi créé Dialogues en 2013. Dans cette série, elle se demande « comment ces deux médiums peuvent communiquer, comment le trait au fusain et les aplats de couleurs peuvent dialoguer». Par ces superpositions d’aplats de couleur dense aux compositions au fusain se crée un décalage, un dialogue, entre les traits vibrants et frénétiques du dessin et la netteté et l’uniformité des formes colorées.
Dans Dialogues, Adélaïde interroge également la place laissée aux pleins et aux vides dans l’espace pictural. Cette réflexion autour de la répartition de l’espace crée une dualité dans l’esprit du spectateur, entre le trait diffus et rythmé du dessin et les plages de couleurs opaques qui lui font obstacles. Le paysage que le spectateur avait l’habitude d’explorer perd son amplitude et s’inscrit dans une dimension nouvelle.
Le travail d’Adélaïde de Saint Marc se complète d’un autre volet entièrement dédié à la couleur. Dans les séries Paysages décomposés et Compositions, elle y réinterprète les paysages qu’elle dessine au fusain : « Un nouvel espace apparait à travers la couleur et la superposition de plans. Des formes de couleurs vives et pures viennent recouvrir partiellement la surface et camoufler le fond fait d’une multitude de touches plus floues et plus éteintes ».
Paysages composés, 2011 – Acrylique sur papier – 75x110cm
Même si elles tendent davantage vers l’abstraction, on retrouve sur certaines compositions les éléments de la nature : les touches de couleur bleue nous évoquent l’eau et les camaïeux de couleurs chaudes nous rappellent les reliefs de Territoires. On y retrouve la dualité tonale des couleurs et la confrontation des matières ; dualité au sein de laquelle le spectateur s’approprie un nouveau terrain d’exploration.
Couleurs mixtes, 2012 –Â Peintures, pastels, crayons de couleurs, encres –Â 17,7 x 25,3 cm
Diane de Puysegur (d’après les propos d’Adélaïde de Saint Marc).
Vous pouvez découvrir le travail d’Adélaïde de Saint Marc jusqu’au samedi 22 février dans le cadre de l’exposition « Call Me » au 68 bis rue de Turenne, 75003 – Ses dessins et ses toiles sont également visibles sur son site.
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