Il est des livres qui résonnent et rayonnent d’actualité, l’éclairent de leurs lignes, de leurs mots. Qatarina, de l’écrivain français – et grand connaisseur du Moyen-Orient – Gabriel Malika est de ceux-ci : bienvenue en Qarabie, monarchie pétrolière du Golfe qui s’apprête, dans l’empressement et le chaos général, à recevoir la Coupe du monde 2022 de… hole-ball, sport imaginaire se rapprochant – non sans un clin d’œil appuyé – de son cousin le football. Toute ressemblance avec une situation ou des personnes existantes ne saurait être que fortuite. Sorti il y a plusieurs mois – en plein scandale sur l’attribution de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar par la FIFA -, le très documenté Qatarina illustre par l’exemple l’absurdité d’une telle décision, et ses conséquences dramatiques.
[caption id="attachment_8875" align="alignleft" width="480"] Gabriel Malika sur le plateau de France 24 pour présenter “Qatarina”[/caption]L’on fait ainsi la connaissance de John Summerbee, professeur américain désabusé venu s’exiler dans ce bout du monde qu’il imagine, si ce n’est agréable, au moins assez incolore, assez vide de toute présence familière pour tenter d’échapper à une vie qu’il a décidé de fuir. Il y fait donc sa vie, tant bien que mal, errant de sa résidence pour expatriés à une université qu’il redoute, adoptant un étonnant cafard pour lui tenir compagnie, résistant aux assauts de sa terrible et voluptueuse collègue Linda qu’il tient en horreur. C’est d’ailleurs de ce personnage périphérique – et aussi dispensable à première vue qu’il se révèle central dans l’intrigue – qui viennent les pages les plus graves et désespérées du roman.
Car sous la plume pleine d’esprit et amusée de Malika apparaît un récit complexe et complet, histoire d’amour sur fond de censure dans une Qarabie bouleversée par l’arrivée massive de supporters – et de supportrices – avinés, braillards et débraillés. Intelligemment construit, tout à fait agréable à lire, le livre est une aussi belle déclaration d’amour envers cette région – et sa culture – qu’une critique acerbe de ses dérives politiques, religieuses et économiques. Lumineux donc, en ces temps où le football occupe une place si centrale, et alors que les diverses polémiques entourant le Mondial 2022 ne pourront faire que s’intensifier au fil des mois.
P. G.