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Rafale : “Notre musique, c’est de la techno glacée”

Regards sombres et mâchoires serrées, on l’aura compris, le groupe Rafale n’est pas là pour rigoler. Défenseurs, avec leurs rythmiques fracassantes et leurs synthétiseurs atmosphériques, d’une vision instrumentale et sombre de la musique électronique, les trois bretons naviguent entre les genres avec talent. Rencontre avec un trio prometteur.

Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas forcément ? Quel est votre parcours musical ? Et d’ailleurs, d’où vient votre nom ?

Julien et moi venons plutôt du rock, du métal, du hardcore, bref des styles assez éloignés de l’électro. Et puis en 2006 on s’est dit qu’on avait envie de monter un projet électro mêlant le côté brut et énergique du rock avec des rythmiques techno, très club. On a donc commencé à composer sur ordinateur nos premiers morceaux sur lesquels on ajoutait des lignes de basses assez agressives. Pour ce nouveau projet, on cherchait un nom simple en deux syllabes évoquant la vitesse, la force…

Il est assez difficile de résumer vos influences, tant elles semblent aller du post-punk sombre de Joy Division à des choses beaucoup plus électroniques et certaines autres carrément noisy. Pouvez-vous penser à cinq albums qui ont influencé votre son et la façon dont vous abordez la musique ?

Ah c’est une question difficile. Ce n’est pas simple de se limiter à 5 albums qui nous ont marqué et conduit vers cette veine techno assez sombre. Le premier album des Daft Punk, bien sûr, que nous avons écouté en boucle, mais aussi Violator de Depeche Mode qui est un grand classique. Evidemment les albums de Joy Division nous ont aussi bien marqué même si c’est un groupe que nous avons appris à apprécier sur le tard. Je pourrais aussi te parler de certains disques de Cure ou encore de D.A.F que j’affectionne particulièrement ainsi que des disques de LCD Soundsystem.

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Comment qualifieriez vous votre musique du coup ?

De la techno glacée ?

Ah oui c’est pas mal. Et ce côté sombre justement, sur lequel vous jouez autant sur scène que dans votre musique, semble être assez vendeur (on pense notamment à Gesaffelstein dont c’est la marque de fabrique ou à Arnaud Rebotini dont vous êtes proches). Être heureux en 2012 c’est trop mainstream ?

 (rires) Non je ne pense pas qu’être heureux est trop mainstream comme tu dis. On ne pense pas la musique en ces termes-là quand on écrit nos morceaux. Disons peut-être que toute la vague fluo-disco-super-cheesy du milieu des années 2000 semble s’essouffler et c’est donc naturellement que, ayant envie de nouveauté, le public se tourne peut-être plus vers des projets différents et donc plus sombres, ce qui de fait les place sur le devant de la scène.

Vous avez financé votre premier album grâce au site de crowdfunding (financement participatif) KissKissBankBank. Comment vous est venue l’idée d’utiliser ce moyen ? Cela ne redéfinit-il pas la relation entre les groupes et les fans ?

C’est notre ancien label et notre management qui nous ont orientés vers cette voie qui nous a permis de financer surtout nos clips et deux maxis. Le point positif, c’est que les fans ont le sentiment de partager la vie du groupe et ça c’est la vraie nouveauté. Maintenant, je dirais que pour eux, les investisseurs, étant donné l’état du marché du disque actuel dans ce secteur de la musique électronique dans lequel le single est roi, le concept d’album dont les ventes sont censées les rémunérer ne fonctionne pas encore suffisamment bien. En clair il y a beaucoup d’enthousiasme de leur part ce que nous apprécions beaucoup, mais nous n’avons parfois par la suite pas assez les moyens de leur rendre justice à travers une rémunération suffisante. C’est un modèle à creuser en tout cas et KissKissBankBank est d’ailleurs en pleine croissance et développe de nombreux projets dans des domaines très éloignés de la musique parfois !

Pourquoi avoir choisi Arnaud Rebotini pour produire votre album ?

Cela s’est fait naturellement. Il a remixé un de nos premiers maxis, Drive, et nous l’avons rencontré par la suite. Il s’est montré enthousiaste à l’idée de produire un autre maxi, Eraser. Nous avons donc tout simplement transformé l’essai avec l’album.

Cette approche très analogique qu’il a de la musique et des synthétiseurs, c’est lui qui vous l’a transmise où partagiez-vous ce goût avant même de le rencontrer ?

 Je te disais que nous avons commencé à écrire nos premiers titres sur ordinateur, c’était clairement par souci d’économie, de moyen et surtout de facilité ! L’envie d’utiliser des synthés analogiques s’est vraiment concrétisée lors de la production de l’album avec Arnaud. Dans son studio on a vraiment entendu la différence.

De plus en plus en plus de groupes semblent revendiquer ce retour à l’utilisation de synthétiseurs analogiques justement. Pensez-vous que l’on assiste à la naissance de ce que l’on pourrait appeler une scène analogique (avec Black Strobe, Museum, The Name…) ?

Je ne sais pas si l’on peut parler de scène. Ce qui est sûr en tout cas c’est qu’en parallèle du développement de cette vague electro sombre, les synthés analogiques sont revenus sur le devant de la scène tout simplement car c’est avec ces machines que les grands tubes cold wave et new wave des 80’s ont été produits. Les groupes qui ont recherché ce son se sont donc tournés naturellement vers ces machines. Une fois ce constat effectué, je pense que parler de scène est toutefois exagéré. A mon sens ce n’est pas le matériel qui crée ex nihilo un courant musical, mais l’envie des artistes qui se rejoignent à un moment donné dans une même dynamique créatrice. La production vient ensuite.

Pour revenir sur Arnaud Rebotini, travailler avec quelqu’un d’aussi confirmé, est-ce intimidant ? N’aviez-vous pas peur qu’il « impose » ses réflexes de production sur votre musique ? Comment s’est passé l’échange entre le groupe et lui pendant l’enregistrement et la production de l’album ?

Au début on était effectivement assez intimidés (rires) ! Mais si nous sommes allés le chercher c’est avant tout pour ses capacités de producteur et donc pour sa patte. On recherchait vraiment cette filiation de type « mentor » pour finir notre disque. Comme cela se passait très bien au niveau humain, on a décidé de lui laisser les clés de la maison Rafale en quelque sorte.

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Vous avez sorti un album de remix sur lequel on retrouve l’équipe de Black Strobe Records au quasi-complet avec Arnaud Rebotini et Museum, et d’autres jolies signatures telles que Juveniles, petits nouveaux de chez Kitsuné. Comment s’est fait ce projet ? Dans l’atmosphère de création constante créée par l’ère internet, proposer des nouveaux produits le plus souvent possible c’est indispensable pour exister ?

Quelques mois après la sortie de ton album, tu sens un grand vide et pourtant, même si tu es déjà en train de réfléchir au second, il est encore trop tôt pour envisager une production immédiate. L’idée de cet album de remix est partie de ce constat, et nous avons alors contacté des producteurs que nous apprécions et des amis musiciens pour qu’ils remixent leur titre préféré.

Concernant la dictature imposée par le net, je pense qu’il faut aussi savoir s’en détacher sinon tu ne te focalises plus du tout sur ce que tu as à dire, à écrire, à chanter, mais sur le fait qu’il faut absolument produire pour être vivant. Pour faire de la musique il faut du temps et il est vrai qu’Internet est une vraie machine à dévorer le temps.

Vous avez sorti un clip assez génial pour accompagner votre single Everglades (on y voit un enfant mener le quotidien d’un homme d’affaires débauché). Comment vous est venue l’idée de la vidéo ? Est-ce un message que vous voulez faire passer ?

C’est le réalisateur du clip qui nous a présenté son projet et nous avons trouvé l’idée assez sympa. Pour autant, il n’y a aucun message véhiculé par ce clip. Pour nous c’est une sorte d’histoire, un tableau vivant illustrant un titre.

En cette rentrée 2012, quels sont vos projets futurs ?

Nous sommes depuis l’hiver dernier en création de nouveaux titres et pensons sortir d’abord un maxi au printemps peut-être et pourquoi pas un nouvel album à la rentrée prochaine.

 Entretien réalisé par Paul Grunelius

Vous pouvez retrouver Rafale sur internet en cliquant ici ou ici.