Ce court-métrage sera diffusé en amphithéâtre Emile Boutmy à Sciences Po.
LA RUE, Sami Boccara
Mardi 19 février, 19h15 – suivi du “Septième Continent“, Michael Haneke
Dans La Rue, Grégoire Leprince-Ringuet a les yeux rougis et les épaules voûtées. Si l’on n’entendait pas les maux qui résonnent dans sa tête, on en devinerait les échos lointains. « Depuis quand est-ce que j’ai peur comme ça ? Pas depuis toujours » affirme-t-il. On ne sait pas si on le croit, tant son corps et sa voix semblent malades jusque dans les tréfonds. Malades de quoi ? « Ma maladie est simple : elle prête des intentions à tous. Je suis le centre ignoré de ce monde que je traverse ». Sami Boccara traite de la paranoïa sans dialogues et avec justesse, dans une atmosphère qui change au gré des rues, tour à tour moite et glacée.
Il n’est pas donné à tout le monde d’être Chris Marker. Se revendiquer d’inspiration markerienne, c’est prendre un risque majeur. Faire un film sur la paranoïa dont l’ouverture de 3,50mn se compose d’images fixes en noir et blanc sans que cela soit perçu comme élitiste, ça en était un aussi. Mais le pari est réussi : La Rue n’est pas le fruit d’une inspiration, elle est la création originale d’un jeune réalisateur qui affirme son style. La Rue, c’est l’esthétique de la peur, c’est l’apologie de la prose, c’est de l’adrénaline en voix-off.
Le texte est d’une puissance à couper le souffle, et la diction de Leprince-Ringuet lui apporte plus d’intensité encore. En nous laissant aller au charme de son langage, on est pris dans son engrenage. Le film est ponctué d’indices sur la complexité de l’état du héros – ce sont des allusions à une mère et du judo, une remarque sur les psychopathes, une exclamation, une inquiétude sur la distance du métro.
En plans fixes, en contre-plongée et en toute intimité, Sami Boccara réussit son challenge : faire du spectateur lui-même « l’expérimentateur de la terreur inversée ».
Coline Aymard
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