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Archipel au Silencio

Le 16 mai 2013, nous allions voir le groupe Archipel au Silencio, à Paris. Récit.

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Flash 1 : Grands Boulevards

Nous sommes le 16 mai. Il est 21h30. Le soleil n’a pas encore terminé sa besogne quotidienne que, déjà, une pluie fine et moqueuse annonce l’arrivée de la nuit. Les Grands Boulevards, dont les cafés trop grands pour être chaleureux mais trop chaleureux pour être véritablement tristes se remplissent peu à peu – il doit sûrement y avoir un match de foot –, résonnent de leur rumeur électrique. Nous empruntons la rue Montmartre. Elle se vide, comme la bruine va en s’intensifiant.

Notre destination du soir : le Silencio.

Flash 2 : La descente

Nous arrivons devant la façade vierge de toute inscription et éternellement sombre du club créé par le cinéaste David Lynch. Un videur à la mine patibulaire (la redondance s’impose) se dresse, majestueux, devant l’entrée minuscule. Trois mots sont échangés et nous descendons déjà l’escalier métallique et froid qui mène à l’antre mystérieux. Pendant cette descente me vient à l’esprit, et ce pour la première fois, ce qui fait le véritable génie de ce lieu : réussir à créer un endroit exceptionnel à partir d’ingrédients et de codes exceptionnellement élitistes et galvaudés.

Ce n’est que 6 mètres plus bas que tout commence.

Flash 3 : Bois

Car oui cet endroit, une fois passés ces quelque peu rebutants préliminaires, est exceptionnel ; onirique et irréel. Ancienne imprimerie où a été publié le J’accuse de Zola un siècle plus tôt, ce lieu est aujourd’hui une merveille, à la voûte recouverte de petits carrés de bois (« disposés de façon aléatoire sur le modèle des Mandalas indiens », explique Lynch) et où un or rutilant recouvre délicatement le moindre bout de comptoir.

Nous sommes maintenant accoudés au bar, refuge éthylique mordoré faisant la jonction entre des alcôves ténébreuses, la salle de concert et la salle de cinéma. Le barman exécute son œuvre dans une concentration terrifiante. Une fois nos breuvages récupérés, nous nous installons et attendons patiemment le début du concert.

Flash 4 : Archipel

La musique. Oui, la musique. Ne l’oublions pas, c’est quand même la raison première de notre venue ici ce soir. Archipel donc, side project de deux garçons issus des intouchables Frànçois and The Atlas Mountains avec à sa tête un chanteur/vocodeur dont la robe et la queue de cheval peroxydée rappellent au choix Kurt Cobain (adepte lui aussi des robes) ou Brice de Nice, et une chanteuse/vocodeuse certaine (à raison) de ses charmes et (à raison ?) d’incarner une Anna Karina contemporaine version synthés et pédales d’effets.

La musique, la musique donc. C’est bon, vraiment. Rappelant beaucoup The Big Pink, un peu the Weeknd mais surtout assez inclassifiable, la troupe électronique séduit par sa pop venue du futur. Ode à la modernité, tout – les voix, les beats, les synthés, les guitares – est saturé d’effets et servi par un soundsystem parfait. Nous nous enfonçons dans le canapé qui, depuis une heure déjà, accueille avec douceur nos croupions concentrés.

Peu à peu, nous lâchons prise.

Flash 5 : Retour

Une dizaine de chansons plus tard, les lumières se rallument, mettant fin à un rêve auquel nous commencions à prendre goût.

Nous respirons encore un instant la mélodie subtile et délicate qui imprime les lieux, puis vient le temps du retour : nous reparaissons à la surface.

Paul Grunelius