Abel, film du réalisateur mexicain Diego Luna, sorti en 2011. Avec José Maria Yazpik et Christopher Ruiz-Esparza.
Portrait traumatique, plein de pudeur et de poésie, d’un fils sans père, blessé au plus profond, et qui – le jour où il retrouve enfin la parole –, se prend pour le chef de famille, Abel est d’abord une comédie de situations (quand le garçon pense avoir fait un enfant à sa mère, qu’il croit être sa femme…) : les rôles sont inversés, la famille est décryptée, comme entité, et un regard attentif est posé sur chacun de ses membres (la figure du père, celle de la sœur, le petit-frère qui voit en Abel son père, mais surtout la mère, dévouée et aimante, prête aux plus grands sacrifices pour son fils). Avec le complexe d’Œdipe en toile de fond, Abel prend aussi certains accents de tragédie – dans ce décor mexicain chaotique – avec la scène magnifique de la piscine, vers la fin, ou celle de la salle de bain et cette eau qui jaillit du lavabo cassé, avec la même violence que celle de ce fils pour son père qu’il a renié, de la plus absolue des manières, c’est-à -dire en devenant lui. Diego Luna, avec ce premier film, nous livre donc à la fois une farce attachante et déroutante, et un drame jamais pleurnichard, parfois trop timide, mais qui a cet atout si rare… la fraîcheur.