COUP DE COEUR. AXN est une expérience de la mort. Celui qui tue conduit ses morts vers l’au-delà . Un cauchemar éveillé sur fond d’épuisement conjugal. Le film éblouit par la force de sa proposition plastique (le son, la musique (de Morgan Hug), son noir et blanc pénétrant, presque étouffant à certains moments, le découpage). La mise en scène, d’une grande maturité, est peuplée de trouvailles : parmi d’autres, on retient notamment la magnifique scène du salon où un écran frénétique reflète ses raies de lumière dans la vitre du balcon. L’atmosphère poisseuse et mortifère est également rendue par les lieux de filmage (Marx Dormoy, Canal de l’Ourcq, BNF), dans un Paris crépusculaire et onirique. Jean-Marie Villeneuve signe un film de démiurge.
Les mots du réalisateur
AXN, réduction d’Anxiogène, m’est venu d’une lecture de Jean Markale (Les mystères de l’après vie) qui portait notamment sur les NDE (Near Death Experience). Dans son livre, il relate les témoignages de personnes ayant été dans des comas profonds. J’ai le souvenir d’une image qui revenait très souvent dans leurs témoignages : celle d’une barque avançant dans la nuit. Je ne saurais être très précis sur cette image (je n’ai jamais souhaité relire ce livre) mais progressivement je m’en suis fait une personnelle et obsessionnelle : une barque silencieuse avançant dans la nuit vers une lumière blanche, vers l’au-delà , une nouvelle terre d’accueil, celle des morts. Quoi de plus fou pouvait arriver à l’homme conscient d’être mort, que d’être assis sur cette barque et d’aller inexorablement vers cette lumière blanche de plus en plus intense ? Ce sentiment d’être seul face à l’immense, face au sens de la vie.
AXN est en quelque sorte le cauchemar d’un futur monde imaginaire. Tout n’y est pas encore parfaitement à sa place, d’une logique implacable. Il y a encore des failles, des allers-retours entre les deux mondes comme si la machine n’était pas encore totalement prête. Nous sommes au début d’une future organisation exceptionnelle, quelques années avant une récupération parfaite des morts.
Je ne me suis pas inspiré du mythe de Charon, même si forcément on y pensera.
L’absence de mouvement dans le cadre donne quant à elle un sentiment de distance vis-à -vis du filmeur/réalisateur. Le réalisateur est là sans être là . Il est présent sûrement pendant l’interview et ses moments où l’homme trompé regarde plein cadre la caméra mais il semble absent.
La mise en scène tourne énormément autour de cette idée : une absence apparente et malgré tout le sentiment d’un souffle derrière le cadre. L’idée ici était de travailler entièrement en post prod pour renforcer ce sentiment de mort, de cauchemar, d’échappement. Les sons du direct ne sont plus tout à fait là . Les morts perdent leur voix, les tueurs prennent celles de leur mort. Les bruits de leurs pas sont parfois les seuls éléments sonores encore audibles, comme des fantômes laissant une dernière trace sur la terre, telle qu’on la connaît. La musique est mortuaire, accompagne comme un son des ténèbres les vivants, futurs morts, déjà morts dans l’entonnoir de la mort.
Nous souhaitons tout le meilleur à ce film dans sa vie festivalière qui commence !
AXN (2015), réalisé par Jean-Marie Villeneuve, 20 minutes. Avec : Hugo Malpeyre, Vanessa Kryceve, Matthieu Moerlen, Sébastien Novac, Mathieu Lagarrigue et les Soeurs Malsaines.