Deuxième jour du festival MOFO, premier pour l’équipe de Profondeur de champs venue couvrir les deux soirées du weekend à Saint-Ouen, dans la formidable salle de Mains d’œuvres.
L’arrivée dans « le plus petit des grands festivals » se fait par un escalier couvert d’autocollants dont on reconnaît ça et là tantôt la forme, la couleur ou le slogan. Puis, au bout d’un couloir dont rien ne laisserait à penser qu’il mène à un tel attroupement, nous voici enfin devant le Village Sonore, centre névralgique et éthylique du festival. Ici, tout n’est que musique, Grolsch et bacs de vinyles. Les plus fatigués pourront même s’offrir des séances d’ostéopathie gratuite. Mais il est 18h30 et un premier groupe est déjà en piste : on file voir John The Conqueror.
Sorte de croisement entre John Lee Hooker, R.L Burnside et Seasick Steve, la formation rappelle aussi – au détour de riffs ultra classiques mais indéniablement efficaces – les Blacks Keys des débuts. Le tout est réjouissant, le show est millimétré ; le leader du groupe – tout en muscles et testostérone – annonce la couleur : « This song is about coke. And fucking », et interpelle l’audience : « I see you smiling, but you look too young to be doing coke my friend ».
On profite d’un petit battement pour découvrir l’installation du groupe Mein Sohn William – dont le concert plus tard dans la soirée sera la révélation de ce samedi – : dans un amphithéâtre situé au deuxième étage du bâtiment ont été disposées des cages contenant souris et oiseaux ; plusieurs capteurs reliés à des samplers réagissent aux mouvements des animaux. Le tout est assez barré mais profondément inventif et d’une grande cohérence. Le groupe en lui-même joue à 22h : on ne manquera pas cela.
Retour dans le festival à proprement parler, puisque que c’est au tour de Blackmail de monter sur scène. On avait été très intéressé par l’électronique assez dark – façon Suuns – du trio ; en live, la recette fonctionne un peu moins bien et on a du mal à accrocher à ce son très – trop ? – lo-fi, si ce n’est sur l’excellent A Miracle, America.
On enchaîne donc avec les Obits, formation estampillée Sub Pop et composée de vétérans du rock indé qui proposent un set on ne peut plus classic mais dont les envolées de guitares et l’énergie étonnante rendent la chose plutôt agréable. « La ultima » annonce déjà Rick Froberg, frontman à la voix déchirée.
Les shoegazers américains de TV Ghost ont commencé depuis dix bonnes minutes dans l’autre salle du festival que l’on se dépêche de rejoindre. Le festival est plein à craquer, et on se délecte de leur pop éthérée qui n’est pas sans rappeler celle des Horrors – impression qui se vérifie jusque dans leurs capillarités également créatives.
Mais le temps nous est compté, car Electric Electric s’apprête à débarquer sur l’autre scène, et on ne pourrait se permettre de ne pas être au premier rang. Les trois Strasbourgeois s’installent, et alors débute un rouleau compresseur littéralement irrésistible. Les loops de guitare s’enchaînent, la batterie est épileptique et les voix forment des complaintes qui se fondent dans un décor apocalyptique.
Totalement chamboulés par ce tremblement de terre sonore, on rejoint tant bien que mal l’amphithéâtre où Mein Sohn William débranche l’espace d’un concert sa musicale animalerie pour délivrer un concert passionnant, formidable d’inventivité et de virtuosité. On aurait aimé terminer la soirée sur ce fantastique moment de création, mais on s’oblige à subir le show – que l’on espère humoristique – des déroutants Cobra dont on citera un extrait en guise de conclusion : « Des voitures allemandes et du poppers ».
P. G.