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Six pieds sous terre

Fans de séries en tout genre, de Desperate Housewives à Dr.House en passant par How I met your mother, peut-être ne connaissez-vous pas Six Feet Under…  Cette série n’est déjà plus diffusée depuis 2005. Sur cinq saisons, elle révèle sa différence avec d’autres séries américaines. En fait, elle se fonde sur une idée très originale d’Allan Balle, qui entraîne le (télé)spectateur dans de profondes réflexions existentielles.

C’est l’histoire d’une famille de croque-morts, les Fisher, dont les deux fils doivent reprendre la société familiale à la mort de leur père. Chaque nouvel épisode débute par un décès plus ou moins surprenant. On retiendra par exemple l’homme qui se fait rouler dessus par son propre 4×4; celui, diabétique, qui succombe à une envie fatale de pêches au sirop ou, simplement, la grand-mère qui meurt assise sur ses toilettes. Des situations parfois abracadabrantes, donc, mais d’autres fois beaucoup plus dramatiques, comme en témoigne un soldat américain revenu mutilé d’Irak. Les épisodes s’articulent ensuite autour de ce premier personnage et de ses funérailles, chaque famille de victime vivant et célébrant la mort d’une manière différente.

Morbide, me direz-vous ? Certes mais la mort est justement traitée avec distance, ce qui permet au spectateur de ne pas sombrer dans la dépression après les cinq saisons. D’où provient cette distance ? D’abord, du professionnalisme des personnages principaux, qui vivent la mort au jour le jour, et parviennent donc à l’accepter et à la relativiser. Par ailleurs, de l’humour de certaines scènes, mais aussi de la personnalité de certains proches de victime. Enfin, des histoires annexes, qui, elles, sont de véritables scènes de vie, contrastant avec la noirceur du thème principal. Les histoires d’amour sont nombreuses et à rebondissement. De plus, la famille est  un thème majeur de la série. Les rapports familiaux, parfois conflictuels, y sont analysés avec force : sont traités aussi bien le rapport à la mère, que le manque de père, l’enfance, le couple et l’enfantement. La série va même jusqu’à aborder la question de l’inceste. Elle cherche donc à briser les tabous et à s’interroger sur des thèmes que peu ont osé approcher de cette manière.

D’autre part, on se laisse séduire par la psychologie des personnages, parfois très complexe, qu’on comprend d’autant mieux qu’ils sont tous soumis à des sortes de visions, notamment avec les morts qu’ils côtoient ou ne côtoient plus (le père fondateur de l’entreprise familiale apparaît souvent à ses enfants et les victimes de chaque début d’épisode reviennent régulièrement à la vie pendant les 55 minutes). Ces morts soufflent donc à chacun de ceux soumis à ces visions ce qu’ils veulent ou ne veulent pas entendre. La série propose donc au spectateur d’accéder à la pensée interne des personnages.

Cette série est donc dépourvue de tout préjugé. Elle aborde les différents thèmes sans tabous mais avec le recul nécessaire. Notons la puissance du générique d’ouverture, dont la musique réjouira tous les adeptes, mais dont les images en feront fuir plus d’un: il est vrai qu’il faut tout de même avoir un esprit assez ouvert et une sensibilité peu exacerbée pour supporter l’étrangeté macabre de chaque épisode. Le spectateur, au terme des cinq saisons, oscille entre une profonde tristesse face à la réalité humaine et une extrême envie de vivre et de profiter de la vie. Jusqu’à la brillante fin du 63ème épisode…

En somme, si vous n’avez pas froid aux yeux, et que vous voulez découvrir une série inhabituelle, celle-ci vous séduira immédiatement et vous ne pourrez plus vous en détacher. Consacrez-y seulement quelques heures et les 50 suivantes vous paraîtront passer à la vitesse grand V !

Mona Pinzan